ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisProméthée et Jésus : |
Deuxième partie : |
Sommaire Introduction Dieu, le Sauveur et la mort Le mythe d’Io et l’évangile de Marie - Dieu et la vierge - La fortunée et la graciée . Zeus invite Io . Marie hors la loi - Le souffle et l’esprit - Les persécutions - Les naissances - Les vierges - Épaphos et Jésus - Prométhée et Siméon Conclusion théologique . . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . . |
Marie hors la loiDe même que Zeus manifeste sa volonté à Io par Hermès, Yahvé envoie l’ange Gabriel chez Marie (Lc 1:26-27). Hermès est le messager de Zeus, celui par lequel le Dieu de l’Olympe transmet ses ordonnances aux dieux et aux hommes ; il est le messager de la parole. Gabriel est celui que Dieu envoie « pour parler et annoncer la bonne nouvelle » (Lc 1:19 ; Dn 8:16 ; 9:22), il est l’ange de la parole. Lorsque Gabriel apparaît, Marie est chez elle. Bien que fiancée et, peut-être, déjà épouse (Lc 1:27 ; Mt 1:18), elle n’avait pas encore quitté la maison de son père (Mt 1:18 ; 1:20). Elle était, comme Io, vierge parce qu’elle n’avait pas connu d’homme (Lc 1:34). C’est la première fois que Yahvé s’adresse directement à une vierge ; cet événement, nouveau par rapport au mythe, est aussi absolument nouveau dans les Écritures. En s’approchant de Marie, l’ange lui dit : « Je te salue, ô graciée, le Seigneur est avec toi » (Lc 1:28). Marie, comme Io, ne comprend pas. Troublée par cette salutation, elle a peur. Si Io a peur des hommes en général, Marie a peur des hommes qui ne sont pas son époux. Cette période d’attente dans laquelle elle est liée sans être encore possédée met sa virginité en danger et à l’épreuve, car elle n’est pas comme les autres femmes, jeunes-filles sous la protection de leurs parents, ou mariées, mais elle est mise à part pour un homme, comme une femme sacrée que personne ne peut approcher sans soupçon. L’apparition de l’étrange messager ne peut que la jeter dans le trouble et la consternation. Mais Gabriel, comme Hermès à Io, lui explique la signification de sa salutation : « Ne crains point, Marie, car tu as trouvé grâce devant Dieu. Et voici tu deviendras enceinte et tu enfanteras un fils » (Lc 1:30-31). Marie est à la grâce comme Io est à l’eudaimônie. Toute une théologie se développera sur la grâce, de même qu’une philosophie morale fleurira sur l’eudaimônie. Luc connaissait sans doute le récit d’Esther ; c’est d’ailleurs dans ce livre que l’expression « trouver grâce » est employée à l’adresse d’une femme (Est 2:9 ; 2:15-17 ; 5:8 ; 7:3). Il a pu reconnaître Marie dans la jeune-fille juive, car elle devient objet du bon vouloir de Dieu, comme Esther était l’objet de la bienveillance du roi Assuérus. L’humble servante est appelée à être bienheureuse (Lc 1:48), la béatitude que le Christ assurera aux fils du royaume est déjà accomplie en elle. Dans l’annonce de Gabriel, aucune allusion aux fiançailles ni au mariage : Yahvé ne se présente pas comme un époux de la jeune-fille, il veut garder dans son intervention toute la dignité et la puissance du Dieu créateur. S’il n’est pas difficile de faire un portrait de Zeus au moment où il féconde Io, il est absolument impossible de donner un visage à Yahvé au moment où son Esprit se pose sur Marie. Le contact le plus humain ne le rend pas homme pour autant, il est toujours le Dieu caché qui intervient auprès de Marie comme sur les eaux de l’abîme ou dans l’âme d’un prophète. Le sujet de la nouvelle révélation n’est pas le Dieu époux, mais le Dieu père, qui fait naître son fils sans violer la virginité de la jeune-fille. Marie semble résister à l’invitation de l’ange de Dieu. Au début elle était troublée par la présence d’un homme ; maintenant elle est angoissée par une double interrogation : comment peut-elle concevoir, alors qu’elle n’a pas encore eu de relations sexuelles avec son époux ? Et si elle est enceinte en dehors du mariage, comment pourra-t-on la disculper du crime d’adultère ? La réponse de l’ange satisfait aux interrogations de Marie, sans la délivrer pour autant de son angoisse. Elle sera enceinte par la puissance de Dieu, elle sera donc sans crime, mais elle sera quand même exposée au jugement des hommes par la loi. Marie se soumet à la volonté du Très-haut avec l’humilité d’une servante, et elle cache le mystère de la conception dans la solitude de sa souffrance. Mise à part pour un homme, elle est maintenant mise à part pour Dieu. Elle ne peut cependant pas ignorer ce qui l’attend : à la douceur d’une révélation personnelle s’ajoute la cruauté d’une révélation objective. Le sort de Marie est déjà écrit dès ce moment : elle doit être chassée de la maison, dénoncée par son époux et traduite devant le tribunal pour être condamnée à la lapidation (Dt 22:23-24). Pour obéir à la parole de Dieu, sa vie est en danger, mais le pire c’est que la vie de l’enfant aussi est en péril. Marie garde cette souffrance dans le secret de son âme : l’apparition de l’ange pourrait bien n’être qu’un rêve ! Lorsque la grossesse commence à déformer son corps, Marie a conscience de devenir un monstre moral : sa maternité cache certes le secret de Dieu, mais elle la rend sujet d’opprobre et de malédiction aux yeux d’Israël. C’est à ce moment que l’époux de Marie, presque oublié dans le récit de Luc, fait son apparition dans la narration de Matthieu. De même qu’Io se confie à son père, Marie se confie à son époux. Marie a besoin de donner à la révélation personnelle une évidence objective, ce qui se réalise par l’intervention de l’homme Joseph. Dieu envoie alors son ange à Joseph, afin de témoigner à l’homme la parole qu’il avait manifestée à sa femme (Mt 1:20). Marie ne sera pas, comme Io, chassée de la maison et contrainte de fuir pour échapper aux sanctions de la loi. Son existence restera quand même un mystère, car elle est marquée par une situation qui la met hors la loi et hors nature : tout en étant mère, elle reste vierge ; épouse, elle n’a pas connu son mari, elle est gardée pour Dieu. |
![]() ![]() ![]() ![]() t920220 : 15/10/2018 |