UN ANALYSEUR DES ÉVOLUTIONS RÉCENTES
Les « fondamentalistes » :
Non ! mais...
Faisant en quelque sorte écho à
Rollat,
Alain Griotteray s’insurge : «
Quand verrons-nous jamais semblable émission exégétique à propos d’autres religions, l’islam par exemple ?» (
Le Figaro-Magazine, 5/4/97). Un lecteur abonde dans son sens : «
On imagine difficilement une série télévisée s’attaquant à la foi musulmane en plein ramadan ! », mais il se sent... «
bien seul » (lettre de
Gérard Senetaire,
Le Figaro-Magazine, 26/4/97). Cependant ce périodique a d’abord présenté le projet de manière enthousiaste: «
Chaque détail est étudié dans le texte, replacé dans l’optique des connaissance actuelles de la recherche scientifique... S’appuyant sur des faits précis, la figure de Jésus se détache du contexte de la tradition chrétienne » (
Léopold Sanchez,
Le Figaro-Magazine, 22/3/97).
Répondant d’avance à la demande de
Griotteray,
Le Figaro consacre dès le 22/3/97 un gros dossier à montrer que «
L’Ancien Testament lui aussi est soumis depuis vingt ans à une lecture critique passionnante » et que «
l’Histoire n’est pas faite pour prouver la Bible ». Le titre «
Comment l’Ancien Testament est sévèrement corrigé » vise implicitement les Écritures hébraïques (on notera le double sens de l’expression «
sévèrement corrigé », d’un goût douteux quand des
juifs sont dans la ligne de mire). C’est le père dominicain Jean-Michel de Tarragon, un «
grand chercheur » (lui aussi), qui se prête à cette opération.
Dès le 25/3/97,
Le Figaro formule une accusation qui sera reprise et amplifiée après la diffusion de la série : «
Le but des réalisateurs était, ont-ils dit, de montrer "l’origine de l’antisémitisme chrétien"... Ils cherchent donc à innocenter les juifs en rendant les Romains responsables » (
Michèle Reboul, 31/3/97).
Le premier commentaire est pourtant sous-titré «
Cinq émissions, parfois contestables, mais toujours passionnantes », et il est d’abord prudent et même élogieux : «
Heureuse initiative... une tâche considérable... passionnant de bout en bout... le contrat dans l’ensemble est respecté » (
Guy Barret, 25/3/97).
C’est dire que
Le Figaro ne récuse pas directement le projet d’une recherche historique sur
Jésus, mais l’étude de «
l’origine de l’antisémitisme chrétien », en lien avec l’histoire de la composition de évangiles. L’hypothèse de
Claude Tresmontant à ce sujet (la date et la langue de leurs premières rédactions) est soutenue comme « vérité d’évangile » par tous les périodiques catholiques « fondamentalistes », qui qualifient la méthode historico-critique de «
pensée allemande » ou «
exégèse de l’école allemande ».
(1)
Dans
L’Evénement du Jeudi,
Christian Terras note qu’«
un tir groupé (et concerté ?) a été déclenché... Bien sûr c’est la question des dates de la rédaction des différents Évangiles qui en hérissent d’abord certains... Mais c’est aussi la question du fondement scripturaire de l’antisémitisme... On a ainsi vu aller à l’assaut le Figaro
, France catholique
et Famille chrétienne » (10/4/97).
Il y a aussi des protestants «
taxés par les autres de "fondamentalistes"», qui restent «
attachés à une pleine autorité normative et historique de la Bible » et pourtant «
ne prennent pas nécessairement au pied de la lettre toute la Bible, mais cherchent à comprendre les différents genres littéraires des Écritures, sans en ronger la puissance ». L’un d’eux dénonce la «
cacophonie du doute » provoquée par «
la méthode historico-critique » d’analyse des évangiles. C’est l’ensemble du projet du documentaire qu’il rejette ainsi, et pourtant il reconnaît que
Corpus Christi a des «
points forts, comme une certaine rigueur, rare pour la télévision, ou la compétence philologique et linguistique des intervenants » (tous ces termes sont du pasteur évangélique
Reynald Kozycki, lette publiée par
Le Monde, 21/4/97).
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(1) A travers la « pensée allemande », est-ce que ce sont les « boches » et les « nazis » qui sont visés, ou bien certains exégètes protestants (Bultmann notamment) ? Un amalgame de tout cela, sans doute !