e ne connais pas cet homme ». Il y a un drame dans cette aventure de Pierre : celui d’un homme qui dé­couvre que la foi n’est pas une affaire de religion; mais qu’elle est la compromission avec cet homme-là, qui n’est ni un dieu ni une grande cause reli­gieuse, mais qui n’est qu’un homme arrêté, lié et livré à la mort.
   Défi inattendu de la vie quotidienne et de gens sans importance.
   Incompréhensible Pierre qui se déclare proche de son ami arrêté, mais disciple « en secret ». Ambi­güité de l’Église et des chrétiens qui aimeraient bien demeu­rer les spectateurs anonymes de la mort de leur ami tout en accusant le monde d’athéisme !
   « Je ne connais pas cet homme » ! Qu’on est loin de la grandiose confession de foi « Je crois en Jésus-Christ, son fils unique, notre seigneur... » qui veut donner au chrétien sa raison d’être et sa sécurité. Au lieu de quoi, voici une servante quelconque qui, sans mauvais esprit ni arrière-pensée mesquine, déclare à bâtons rompus, au coin d’un feu : « cet homme était aussi avec lui ». Et la réponse arrive brutale, pleine de panique, presque grossière: « je n’en suis pas... je ne sais pas ce que tu dis... »

« Je ne connais pas cet homme... » Pourquoi pas aussi ces étrangers qui vivent à nos portes et ces deux tiers de l’humanité qui ont faim ? Aller jus­qu’au point où tout est démystifié, où tous les mas­ques (et les masques chrétiens) tombent sous la bana­le actualité du monde ! Hommes du commun en aus­si grande panique que les autres, quand il s’agit d’aimer, d’être avec cet autre liés, arrêtés, crucifiés.

Reconnaissons que nous en sommes tous là à un moment ou à un autre, que nous sommes tous « athées », puisque nous refusons cet homme-là, livrés à nos paniques d’hommes religieux, dont les habitudes et les pratiques se réduisent à des confes­sions du dimanche...

Lc 22:56-57