ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Pierre CurieLe Logos dans le mondeExtraits d’un mémoire présenté à la faculté de théologie de Strasbourg, |
Le Logos comme médiation |
Introduction Le Logos et le commencement La dynamique du Logos Le Logos comme médiation Le Logos, créateur de vie-lumière Le Logos était dans le monde Le Logos est devenu chair Le Logos et Dieu En guise de conclusion Ouvrages cités |
anta di’ autou égénéto, kai chôris autou égénéto oudé èn o gégonén èn autô zoé èn, kai è zoè èn to phôs tôn anthrôpon Toutes choses ont été faites par elle, et sans elle rien n’a été fait de ce qui a été fait ; en elle la lumière était, et la vie, la lumière des hommes (Jn 1:3-4) Pour la majorité des commentateurs, ce verset 3 du premier chapitre du Prologue johannique fait référence à l’acte de création du Logos, lequel est en même temps acte de révélation. La préposition « dia » (au moyen de) suppose pour les uns et pour les autres une idée de médiation. C’est le sens de cette « médiation » qui fait problème. Selon Van den Bussche, « Jean affirme que toute existence est tributaire de l’existence éternelle de la Parole, que toute connaissance est un reflet de sa lumière ». Par ailleurs, Philon d’Alexandrie emploie la préposition « dia » pour exprimer l’activité du Logos comme démiurge dans le sens de « cause instrumentale » utilisée par Dieu pour façonner le monde matériel. Ainsi, pour Philon, le Logos est inférieur à Dieu et jette un pont entre la spiritualité de Dieu et le monde matériel. Le problème est en effet de comprendre le contenu de la préposition « dia » qui, philologiquement, sous-entend l’idée de médiation. À l’origine des explications traditionnelles, la notion d’un Dieu créateur est la cause originelle. En Dieu se manifeste l’activité créatrice qui est transférée sur le « Logos - Christ ». Mais supposons un point de départ différent (que le texte du Prologue johannique peut, semble-t-il, autoriser). « Au commencement était le Logos », et non point « Dieu ». Dès lors, la médiation prend une signification différente. En effet, si le Logos est « possibilité d’être », il ne pourra pas se présenter comme le « démiurge » ou le « prototype ». D’une certaine façon, il deviendra la cause instrumentale, une modalité d’être, et il retrouvera des résonances philonienne ou gnostique. Toutefois, selon que l’accent sera mis dans l’interprétation sur la notion d’activité créatrice de Dieu, le Père, ou sur celle de « devenir » définissant l’activité du Logos, la notion de « médiation » indiquée par la préposition « dia » aura une coloration différente. À nous en tenir strictement à la structure du Prologue, cette seconde hypothèse a notre préférence : le Logos était « èn archè » (au commencement), « pros ton théon » (en mouvement vers Dieu). Dès lors, il ne s’agit plus essentiellement de l’« activité de Dieu par son Logos », mais de l’« activité du Logos qui s’inscrit dans un devenir... » le devenir vers (dia) Dieu. Cette « possibilité », ce « mouvement » du « logos pros ton théon » ouvre ainsi un cheminement nouveau que le Prologue johannique exprime par une nouvelle proposition (versets 3 , 7 et 10) : « panta di’ autou égénéto » (toutes choses par lui ont été faites) et « ô kosmos di’ autou égénéto » (le monde par lui a été fait). Si « Dieu » était « au commencement », s’il était l’« Être en-soi », « l’Un » (ou comme le dit encore la théologie traditionnelle « le Tout-autre »), il n’y aurait pas de possibilité d’être du monde. « Si Dieu est, tout est déjà fait », disait Parménide. Or, avons-nous dit, le Logos est cette possibilité d’être du monde, de l’homme... et même de Dieu ; ce « projet », c’est-à-dire le motif par lequel le mouvement arrive à son terme. Dans cette perspective, Ennio Floris écrit : « Le oLgos comme parole est le mouvement de convergence, cette poussée vers l’aboutissement ». Comment ? Pour exprimer cette modalité, l’auteur du Prologue johannique a utilisé sciemment cette préposition « dia » qui implique la « médiation ». Au moyen du Logos, les choses existent, c’est-à-dire elles acquièrent la possibilité du surgissement à l’être. Parmi les éventualités infinies de la « matière informe » du cosmos, un choix s’opère. Le Logos est la « modalité » de ce choix (di’ autou). Peut-être l’auteur du Prologue johannique a-t-il été influencé par la gnose pré-chrétienne, par le concept du « logos » comme « médiateur » entre le monde divin et le monde humain, ou bien par la cause instrumentale philonienne. Mais le mythe est dépassé... Qu’est-ce qu’une « médiation » ? Elle n’est pas un « intermédiaire » ; en ce sens aussi, le « logos » n’est pas le « démiurge » de la philosophie grecque, qui servait d’intermédiaire entre les « Idées universelles » et la « matière », ou entre la pure spiritualité de Dieu et le monde matériel de Philon. Chez l’auteur du Prologue johannique, une notion nouvelle, inconcevable pour la philosophie grecque, apparaît : l’incarnation. Dans la notion de « médiation », il y a l’idée d’un passage, d’une possibilité d’exister qui surgit au travers (dia), d’une dynamique. Le Logos devient ce moyen de passage, cette « possibilité d’accoucher l’histoire » ; cette « main » qui rend possible l’« accouchement du monde ». Ennio Floris dit encore : « Quelle est l’instance ? Ce n’est ni le droit, international ou national, ni la politique. C’est l’appel à une instance qui est dans tout individu, mais qui dépasse l’objectivité. Cette instance est le fond de la conscience que tout homme a de lui-même. Ainsi, il y a au-dedans des hommes une transcendance toujours vivante, toujours acte. Le Logos, c’est cela : cette humanité qui est au fond du surgissement de tout problème ». |
le 13 mars 1969 |
tc193000 17/08/2018