ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


De Jésus-Christ à Jésus


Étude référentielle et archéologique des évangiles




La personne de Jésus :

La conception et la naissance de Jésus




Avertissement
Sommaire

Introduction

Les Écritures et le salut

Jésus, de sa naissance à sa résurrection

La personne de Jésus
- Conception et naissance
  . Chez Matthieu
  . Chez Luc
  . Mise en parallèle
  . Regard critique
  . Quelques interrogations
- Prophète de la paternité
   de Dieu
- Le sacrifice de la mort
- Une parole sur la croix
- La vie de Jésus
- La mise au tombeau
- Tombeau vide et
   résurrection



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Quelques interrogations…


   Est-il possible qu’une femme soit convaincue d’être enceinte par l’action du Saint Esprit et qu’elle en convainque les autres, et notamment son mari ? Qu’elle soit convaincue d’être enceinte sans avoir conscience d’avoir accompli un acte sexuel ? Ou que son mari le sache, mais l’attribue à l’action du Saint Esprit ? D’autant plus que Marie, qui aurait été la seule personne à pouvoir en témoigner, demeure muette dans ce récit ?
   De ces questions, on conclut que Joseph, l’époux de Marie, ignore tout à fait qu’elle est enceinte par le Saint Esprit, et est convaincu, au contraire, qu’elle l’est par viol. Opposition encore entre Marie et son époux qui, par surcroît, prépare un plan d’abandon, l’enfant n’étant pas de lui.
   Mais voilà qu’un témoin du fait existe, car un ange lui apparaît en rêve pour lui annoncer que Marie est enceinte par le Saint Esprit. Il appuie cette annonce sur un passage prophétique des Écritures, dans lequel il serait affirmé précisément que la mère de l’enfant était demeurée vierge. Ce que l’évangéliste raconte serait donc garanti par l’ange et par les Écritures. Or l’analyse que nous venons de faire de ce texte montre qu’il n’en est rien, et qu’il relate autre chose que la vierge enceinte.

   Doit-on penser que l’auteur du récit oublie le fait, ou préfère l’ignorer ? Serait-ce un menteur qui cherche à faire prendre pour vrai ce qu’il estime faux ?
   Ce serait trop dire. Il écrit l’évangile parce qu’il croit que Jésus est le Christ et souhaite que le lecteur y croie lui aussi. Son propos n’est donc pas de mentir, mais de communiquer une conviction de foi qui puisse donner une solution de croyance à la naissance de Jésus, en sorte que son discours n’est pas une démonstration mais un message, discours qui possède une articulation propre et différente de celle de l’argumentation. Bref, une réponse qui n’est pas régie par la logique de la démonstration, mais par celle de la croyance. Cela m’oblige à une digression qui, malheureusement, sera longue.


   L’homme croit en une finalité de son existence dans la mesure où il a conscience d’avoir une origine, mais il ignore aussi bien l’une que l’autre. Cela ne l’a pas empêché d’y réfléchir continuellement et avec envie, poussé surtout par les vides et les angoisses, les désirs et les utopies, enfin par le non-sens qui, par la mort, recouvre le cours de son existence. À ce propos, les religions lui offrent matière à méditation et à foi par des événements porteurs de motivation et de sens.
   La religion chrétienne annonce que Jésus-Christ, par sa mort et sa résurrection, reconduit l’homme à l’immortalité de son origine.
   Cette religion puise ses principes dans les Écritures, précisément dans les premières pages de la Genèse. Ayant fait l’homme avant que la terre ne soit achevée, Dieu le place avec Ève, sa femme, dans un jardin de délices, fait pour lui à l’Éden. Sa vie aurait dû se développer éternellement d’une façon paisible et heureuse mais, ayant péché pour avoir mangé du fruit défendu, l’homme fut envoyé sur terre pour vivre une vie d’être mortel.
   Par la suite, Dieu ne remit pas à l’homme sa peine, mais établit une alliance avec la génération d’Abraham, pour qu’elle se donne au service de sa royauté dans le monde. Elle fut élevée à la dignité de peuple élu, médiateur entre Dieu et les hommes. Mais après la splendeur de la royauté davidique et de celle de Salomon, le peuple élu ne fut plus dans les conditions de fidélité et de stabilité requises pour être au service de la royauté divine. Dieu maintint cependant son élection, et ce fut alors que, selon certains interprètes, il se proposa d’envoyer sur terre le Christ, pour qu’il offre sa vie en expiation du péché originel, permettant ainsi à l’homme le retour au jardin des origines, d’où il fut chassé.

   Par incidence, je note que cette interprétation des textes, principe fondateur du christianisme, marque en même temps une rupture et une continuité avec le judaïsme : rupture, parce que Dieu pardonne enfin son péché à l’homme, lui permettant le retour à l’immortalité originelle ; continuité, parce que le péché a été réparé par la mort du Christ, en accord avec l’exigence de la divine justice, propre au Dieu des Écritures.
   Les croyants au nouvel ordre du salut furent donc en attente du Christ, que les disciples de Jésus reconnurent en lui. Il suffit de nous rapporter aux évangiles pour comprendre que les auteurs n’entendent parler de Jésus que dans la mesure où il est le Christ. C’est pourquoi ils désignent comme objet de leur évangile non pas Jésus, mais Jésus-Christ.
   Mais comment sont-ils parvenus à le reconnaître ? Par un processus de pensée très complexe, car ils ne se sont pas limités à exposer ce qu’ils ont pu constater en vivant avec Jésus ou en recueillant des informations sur lui, mais ont compris son existence, ses paroles et ses actes, en correspondance avec le Christ des Écritures. Ils sont parvenus à accomplir une synthèse entre Jésus et le Christ des Écritures en façonnant le premier sur le modèle du second, et le second sur le modèle du premier.
   Ainsi Jésus a été sublimé dans le Christ des Écritures, mais cette sublimation a imposé aussi le refoulement de Jésus dans sa propre individualité concrète d’homme.


   Limitons-nous à la genèse conceptuelle de Marie, comme vierge trouvée enceinte. Si Jésus est le Christ, on doit rapporter en lui tout ce que le Christ comporte et lui ôter tout ce qui empêcherait qu’il le soit.
   Dans la condition naturelle de l’être humain, la femme devient enceinte par son union sexuelle avec un homme, mais puisque celui-ci est taché de péché, il transmet par cette union la vie, mais aussi son péché. Or, puisque l’enfant que Marie doit concevoir est le Christ, le fils de Dieu sans péché, il devient nécessaire que les modalités de l’union sexuelle soient changées, et qu’elle ne s’opère pas avec un homme mais avec « l’Esprit de Dieu ».
   C’est pour cela que l’évangile affirme que Marie a été fécondée par le Saint Esprit. L’enfant conçu par Marie est donc de nature à la fois humaine et divine, et elle est fécondée sans rupture de son sein et donc en restant vierge. Dieu agit donc comme époux de Marie et comme père de l’enfant ! La virginité de la femme en devient le signe. On peut objecter que l’union de Marie avec le Saint Esprit se fonde moins sur la pureté de la conception que sur le fait que son enfant est le fils de Dieu. Il demeure cependant que la pureté de la conception est elle aussi exigée et impliquée.
   Cette théorie théologique, cependant, est tellement artificielle et alambiquée, qu’elle dépasse aussi bien la logique que la structure de son articulation. D’où vient-il, ce sperme vital porté par l’Esprit de Dieu? A-t-il été pris par Dieu à Joseph, l’époux de Marie ? Ce serait logique, mais on peut remarquer que le germe vital masculin est lui aussi taché par le péché comme sa transmission par le sexe. Serait-il purifié par le souffle de l’Esprit de Dieu qui le transporte ? Et d’où Dieu a-t-il pris ce sperme fécondateur qui porte les caractères qui lient l’enfant à la génération de David ? Ces questions nous amènent au centre du système théologique de l’incarnation de Dieu et de la déification d’un homme : affirmation à la fois sublime et aberrante !


   Mais il convient de nous arrêter dans ces élucubrations. Prenons acte par ces pages que les évangiles ne sont pas des récits d’histoire ni même de philosophie, mais plutôt des informations qui ont accompagné la nouvelle de l’événement de foi, les trames d’un poème épique sur Jésus en tant que héros de l’œuvre du Christ des Écritures. Il ne faut pas oublier aussi que, souvent, le retentissement du fait de foi remplace le témoignage de certitude dans la vérité du fait.



août 2012




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