Sommaire
Avant-propos
Le problème et ses antinomies
- Le baptême d’eau
- Le baptême en Esprit
- Le baptême au nom de Jésus
- Les antinomies
- Solution catholique
- Solution réformée
- Critique des solutions
Solution selon la théologie de la foi
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Le baptême d’eau
Jean-Baptiste est sur la ligne directe de Moïse et des prophètes. Après avoir ressenti au plus profond de son être la corruption morale et religieuse de son peuple, il s’enfuit dans le désert où il rencontre Dieu, qui semblait avoir abandonné, lui aussi, sa demeure dans le temple pour retourner à son lieu d’origine, le désert. Jean, lorsqu’il prêche au peuple le retour à Dieu, se présente comme le signe de ce retour.
Dieu répond à l’interrogation que lui pose Jean par une manifestation intérieure, sous forme de visions.
La première de celles-ci représente une hache posée à la racine des arbres (Mt 3:10 ; Lc 3:9). Cette vision, en même temps qu’elle signifiait le jugement divin imminent, universel et total contre le peuple, était également présage de salut. En fait la hache n’était pas apparue coupant les arbres, mais simplement déposée sur les racines.
Jean établit sur cette vision le premier thème de sa prédication, d’où il nous reste l’invective qui en constituait peut-être l’exorde : « Race des vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir ? » (Mt 3:7 ; Lc 3:7). Cette question ne devait pas attendre de réponse car personne, en dehors de Jean lui-même, ne pouvait enseigner comment fuir la colère de Dieu. À cet exorde devait naturellement suivre l’accusation de l’état de péché et la révélation de la colère de Dieu, selon la vision de la hache.
Cette première prédication a sans doute dû heurter la sensibilité religieuse et dogmatique des pharisiens. Pourquoi être appelés « race de vipères », alors qu’ils étaient tous fils d’Abraham, peuple élu ? Pourquoi prédire la destruction totale du peuple, quand Dieu lui-même avait promis à Abraham la perpétuité de sa postérité (Gn 16:10) ? Pourquoi se présenter comme sauveur, alors qu’ils étaient tous sauvés par la Loi ?
Jean se sert de ce motif pour attaquer leur mauvaise conscience. Le peuple élu n’hérite pas les promesses de Dieu parce qu’il descend d’Abraham, mais parce qu’il vit selon les devoirs de cette alliance à laquelle Dieu a lié ses promesses. Dieu n’a pas conditionné la pérennité de son peuple à la génération physiologique, et il est capable de susciter des enfants à Abraham avec des pierres. Enfin, ce n’est pas tant l’adhésion à la Loi que l’union à son auteur qui constituait le motif du salut. Le péché avait rompu le pacte d’alliance, mettant le peuple élu dans la même condition que les païens, soumis à l’inexorable jugement de Dieu. Être fils d’Abraham n’était pas un gage de salut : on couperait les arbres si, à la saison, ils ne portaient pas de fruits (Mt 3:10).
Mais quels étaient ces fruits ? Cette demande formait le motif de la seconde partie de la prédication de Jean, qui peut se résumer par les paroles de Luc : « baptême de repentance pour la rémission des péchés » (Lc 3:3). Analysons les trois éléments : la repentance, le baptême et la rémission des péchés.
La repentance, en grec « métanoia », signifie un changement d’esprit ou d’intention dans le comportement de l’homme envers Dieu. Contre les pharisiens, qui entendaient changer les coutumes par l’observance formelle de la Loi selon les traditions, Jean confirme la nécessité de changer l’esprit de la Loi, c’est-à-dire le critère de son interprétation par rapport à la volonté divine. C’est seulement après ce changement intérieur qu’on devait procéder à la réorganisation pratique de la vie. La métanoia invite le peuple à une triple position de conscience devant Dieu : reconnaissance du péché comme fausse position de conscience devant Dieu et la Loi, transformation de la vie selon l’esprit et non selon la lettre de la Loi, abandon à la volonté divine et renoncement à la prétention d’être sauvés seulement parce que descendants d’Abraham.
Le baptême, opéré par l’immersion de tout le corps dans les eaux du Jourdain, exprimait avant tout le processus intérieur de la métanoia comme conversion totale de l’homme. Il constituait en second lieu un témoignage social et positif de cette conversion, obligeant en même temps le peuple à se considérer comme les païens, pour lesquels l’usage voulait qu’ils soient baptisés avant d’être acceptés comme fils d’élection : ce que les juifs exigeaient des païens, Dieu le demandait à son peuple lui-même.
La rémission des péchés, bien qu’elle fut le but auquel le baptême de repentance était ordonné, n’en représentait toutefois pas l’effet. En d’autres termes la métanoia ne conférait pas la rémission des péchés. Le péché était en même temps offense à Dieu et transgression de la Loi, et mettait l’homme dans la double condition d’ennemi de Dieu et de condamné par Dieu. La métanoia, bien qu’elle exemptât l’homme de la condamnation divine, le laissait dans la condition d’offenseur. Elle suspendait la condamnation sans justifier l’homme. Exempté de la peine de mort, l’homme n’avait pas pour autant le droit d’être considéré comme ami par celui qu’il avait offensé : la peine due au péché était effacée, mais pas l’offense. Pour cette raison, la métanoia conduisait le peuple à une condition d’attente de l’abandon sans retenue à la volonté divine.
Jean a voulu insister de façon particulière sur cette efficacité du baptême en disant « je vous baptise dans l’eau pour vous amener à la repentance » (Mt 3:11). L’immersion ne peut avoir aucune efficacité car l’eau n’a, en elle-même, aucune valeur. Le baptême « dans l’eau » est un signe qui exprime, un acte qui témoigne, mais qui ne produit rien. Jean n’était pas le Christ (Jn 1:20), son baptême n’était donc pas une rédemption. Toutefois, il restait toujours ordonné à la rémission des péchés, puisqu’il était donné « en vue de la rémission des péchés » (Lc 3:3).
Entre le baptême de Jean et la rémission des péchés, il y a donc un vide que Jean ne peut combler.
C’est là que la prédication de Jean rejoint le motif de la deuxième vision, où le Messie lui est apparu sous la double forme de baptiseur dans l’Esprit et le feu, et de vanneur de grain. Le problème du salut se transposait de Jean en Christ, du baptême dans l’eau dans le baptême en Esprit et en feu.
Le Christ baptisera « en Esprit et en feu ». On notera la préposition « en », par laquelle Esprit en feu deviennent les éléments du baptême du Christ, comme l’eau de celui de Jean. Les deux baptêmes, quoique corrélatifs, sont donc opposés, puisque celui de Christ sera capable d’accorder cette rémission des péchés que celui de Jean n’a pas pu conférer. L’opposition entre les deux baptêmes est présentée par Jean d’une façon nette et antithétique montrant qu’il y a irréductibilité entre eux : de même que celui de Jean par l’eau ne peut avoir l’efficacité de celui dans l’Esprit, de même celui dans l’Esprit est indépendant et autonome devant celui dans l’eau.
La seconde image représente le Christ dans son pouvoir eschatologique. Celui qui a sauvé dans le temps avec le baptême d’Esprit aura aussi la charge de juger les hommes pour Dieu, selon cette nouvelle économie de salut que le baptême d’Esprit a inauguré dans le monde.
Pour Jean, le Christ est là tout entier. Rien de sa naissance et de son incarnation, rien de sa mort et de sa résurrection, de son ascension et de sa glorification. Le Christ lui est prédit par les deux visages par lesquels le Christ est baptiseur dans l’Esprit dans le temps, et juge des péchés à la fin des siècles.
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