ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Esquisse d’une théologie
de la rémission des péchés





Le problème et ses antinomies


Sommaire

Avant-propos

Le problème et ses antinomies
- Le baptême d’eau
- Le baptême en Esprit
- Le baptême au nom de
  Jésus
- Les antinomies
- Solution catholique
- Solution réformée
- Critique des solutions

Solution selon la théologie de la foi




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Critique des solutions catholique et protestante


   Les deux théologies, bien qu’elles approfondissent le problème du salut par rapport à deux secteurs différents, le sacrement et la foi, tombent dans deux extrêmes opposés, l’une en affirmant l’action de l’Église au préjudice de l’autonomie de Dieu, l’autre en revendiquant l’autonomie de Dieu au détriment de l’action de l’Église

   L’interprétation de l’expression évangélique Jésus « fils de Dieu » dans le sens de Jésus-Dieu par sa substance, sans tenir compte du fait qu’elle n’a pas de fondement biblique et qu’elle est une contradiction en elle-même, est impuissante à expliquer la personnalité du Christ comme médiateur pour la rémission des péchés.
   Le fondement théologique pour affirmer le dogme de Christ-Dieu est le suivant : étant donné que l’homme ne peut donner seul une compensation adéquate à son péché comme offense envers Dieu, il est nécessaire que, pour sa satisfaction, il y ait un homme-Dieu dans lequel le mérite ait une valeur infinie. Par conséquent il faut affirmer que la valeur de la satisfaction est donnée à l’homme par l’union de la nature humaine avec la personne divine.
   Mais en quelle mesure la personne divine peut-elle faire participer la nature humaine à une valeur qu’elle ne peut avoir par elle-même ? Ou la personne divine transforme intimement la nature humaine de manière à la rendre divine, ou elle la laisse intacte dans son essence humaine et finie. Dans le premier comme dans le second cas, la satisfaction sera donnée uniquement de Dieu à l’homme : dans le premier cas parce que la nature humaine serait résolue dans la nature divine, dans le second parce que l’homme aurait à expier en ce sens que Dieu donne à son sacrifice une valeur qu’en réalité il n’a pas, ce qui signifie qu’il accepte la souffrance de l’homme-Christ comme valable pour la satisfaction de tous les péchés des hommes. Mais si la satisfaction du Christ ressort de l’acceptation de Dieu, alors la rédemption ne vient que de Dieu et non par l’homme-Christ.
   Si on voulait ensuite affirmer que c’est bien l’homme qui expie en Christ, on en arriverait à nier le principe d’insuffisance ou d’impuissance de la nature humaine face à l’expiation du péché, principe par lequel justement s’était affirmée la divinité du Christ.
   La formule Christ-Dieu est donc en contradiction avec la médiation. Elle est un postulat trouvé pour expliquer l’absurdité que la médiation entre Dieu et les hommes doit se déployer comme satisfaction adéquate de justice. Puisque cette satisfaction ne peut être attribuée ni à l’homme ni à Dieu, on a trouvé la formule de l’homme-Dieu, qui permet d’attribuer la satisfaction à Dieu quand on insiste sur l’incapacité de l’homme, et à l’homme quand on en appelle à l’impossibilité expiatoire de Dieu.

   Dans les deux systèmes catholique et protestant, le problème du rapport entre la mort du Christ et l’action de l’Esprit Saint reste aussi irrésolu. En effet, pourquoi attendre la puissance de l’Esprit, soit par le sacrement soit par la foi, quand les péchés sont déjà rachetés ? Si cette intervention de l’Esprit est nécessaire et efficace, si vraiment l’Esprit remet les péchés par le sacrement ou par la foi, cela montre bien que les péchés ne sont pas encore remis ou, du moins, qu’ils sont remis de telle façon qu’ils exigent un nouveau pardon.

   Pour réfuter la doctrine catholique, nous ne voulons pas entrer dans tous les détails, mais seulement en pointer les conséquences extrêmes. La doctrine catholique sur les sacrements conduit à une vraie médiation entre Dieu et l’homme, se substituant tant à Dieu qu’à l’homme même.
   L’Église se substitue à Dieu – à son action, à sa vie, à son autorité – par l’intermédiaire du ministre, par la matière, la forme et l’effet du sacrement. Le sacrement ne peut conserver intacte l’autorité divine quand il est conditionné à la volonté du ministre, qui peut réaliser ou ne pas réaliser l’action sacramen­taire, se tromper et oublier, par conséquent empêcher ou retenir la volonté divine. Le fait que le ministre effectue le tout conformément à l’intention de l’Église ne l’empêche pas d’avoir une initiative arbitraire dans l’administration des sacrements. L’action de l’Esprit de Dieu, qui par elle-même est spirituelle, universelle et en dehors de toute limitation d’espace et de temps, de violence et d’obstruction, devient, car conditionnée à l’action du sacrement, temporelle, limitée à un espace et à un moment, sujet à l’obstruction et à la violence, et par conséquent détruite dans son efficacité. La grâce, présentée comme effet du sacrement, est conçue comme entité formelle inhérente à la nature de l’âme, où elle est créée ou incréée. Si elle est créée, elle est naturelle et elle ne pourrait accorder à l’homme la rémission des péchés, ni la participation à la vie divine. Si elle est incréée, alors c’est Dieu lui-même qui, inhérent à l’âme, transforme l’homme en Dieu. En conclusion, à Dieu dans son autorité, son action et sa vie, l’Église s’est substituée elle-même par l’intermédiaire de son ministre, du sacrement et de la grâce.
   De même que l’Église se substitue à Dieu, elle se substitue à l’homme. L’homme qui peut recevoir la grâce de la justification n’est pas le croyant – c’est-à-dire l’homme atteint personnellement par Dieu et sa parole qu’il a acceptée librement – mais l’homme en tant que transformé par l’Église, l’homme dans la personnalité donnée par l’Église. Il doit en effet se présenter à Dieu avec une objectivité déterminée de croyance fixée par l’Église, avec l’intention voulue par l’Église de se soumettre non à la volonté de Dieu selon l’Évangile, mais à l’autorité et aux lois de l’Église. En d’autres termes, celui qui se présente à Dieu n’est pas tant l’homme que l’Église à travers l’homme. Ceci est si vrai qu’on admet au baptême le nouveau-né, chez lequel il n’y a ni foi ni responsabi­lité, tandis qu’on suppose que le sacrement lui confère la grâce et la rémission du péché. L’homme disparaît donc, de même qu’a disparu Dieu, pour céder la place à la seule Église, qui s’affirme comme homme-Dieu, le véritable Christ.

   Autant le catholicisme est certain du fondement biblique de l’efficacité des sacrements, autant la Réforme en appelle à la Bible quant à la justification par la foi. Mais en s’écartant de ce principe absolu et exclusif, elle en arrive à exclure l’Église des rapports entre Dieu et l’homme, en la réduisant à une réunion passive des croyants ou, si elle est active, à une organisation « extérieure » de cette foi.
   Si la justification s’obtient par la foi seule – par la foi de l’individu qui croit – le rapport entre Dieu et l’homme est essentiellement individuel. L’Église reste en dehors du contact entre l’homme et Dieu, totalement inefficace et inactive dans le mystère de cette réconciliation, bien qu’elle apporte des « aides extérieures » (Calvin, Inst. IV,1,1). C’est l’individu qui est l’unique responsable de son salut, à la mesure de sa foi.
   On répondra que l’Église a la charge de la Parole, par laquelle l’homme parvient à la foi. Cela nous donne l’occasion de préciser une question d’importance majeure : quel sens devons-nous donner à l’affirmation que la foi naît de la Parole prêchée par l’Église ?
   Si la prédication de l’Église se réduit à une proposition objective de l’Évangile suivant une interprétation donnée, laissant au libre examen de chacun de l’accepter ou de la refuser, alors la prédication de l’Église, bien que d’une importance particulière, est entièrement étrangère au processus de la foi. Elle est une parole sans autorité ni puissance, parole qui suit les lois psychologiques des autres paroles, bien qu’elle soit porteuse d’un contenu divin. L’Église n’a aucune puissance pour que la Parole s’impose et devienne lumière de vie en celui qui l’écoute ; le prédicateur est un répétiteur qui, hormis l’influence psychologique de l’homme, pourrait être remplacé par un disque.
   Si, au contraire, nous disons que la Parole, en plus de son expression objective, possède aussi une force de persuasion supranaturelle, une vertu cachée qui pousse l’homme à l’obéissance de l’Évangile, si la Parole possède l’autorité de Dieu, elle est un sacrement comme ceux conçus par l’Église catholique. Mais, en ce cas, pourquoi répudier le catholicisme ? L’unique différence entre catholi­cisme et protestantisme ne résiderait en effet pas dans la qualité mais dans la quantité : au lieu de reconnaître sept sacrements, le protestantisme en affirmerait un seul, celui de la Parole au moyen de laquelle Dieu pousse l’homme à la foi et à la rémission des péchés, comme il le pousserait par le baptême et la confession.

   Par rapport à l’effet de justification, la Réforme pèche par excès d’extériorité et le catholicisme par excès d’intériorité. Comment devons-nous conce­voir l’imputation de la justice du Christ ? Devons-nous l’interpréter dans le sens juridique ? Est-elle la participation à un pardon ou à un privilège par le fait que l’homme pose une condition déterminée ? Mais alors, la justification est complètement extérieure à l’existence de l’homme. Si, au contraire, nous affirmons que la rémission des péchés parvient à l’existence de l’individu, alors la justification pose pour la conscience du croyant quelque-chose de nouveau, d’intrinsèque et de réel.
   En outre, que signifie être justifié par la foi ? Il faut admettre que, pour être justifié, il suffit de reconnaître que le Christ nous a pardonné ? Mais comment la seule croyance – qui est une sorte de connaissance – peut-elle produire un effet personnel comme celui de la justification ? Mais si, au contraire, nous interprétons la foi comme une rencontre réelle entre Dieu et l’homme, alors la foi est la source de toutes bonnes œuvres.

   En conclusion, les réponses des deux Églises ne résolvent pas les antinomies que nous avons relevées pus haut (1) et nous laissent une Église médiatrice entre l’homme et Dieu d’une part (2), et une Église extérieure et impuissante d’autre part (3).


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(1) Voir.   Retour au texte

(2) Voir.   Retour au texte

(3) Voir.   Retour au texte




c 1958




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t251700 : 10/01/2020