e potier produit des pots de formes et de destinations variées : des cruches, des marmites, des vases à fleurs, des écuelles, etc. Dieu a fait un « vase » unique, en forme de corps humain, capable de recevoir l’âme de l’homme. Sa tâche de potier achevée, une autre lui revenait : celle de créer l’âme et de l’introduire dans le « vase ».
Étrangement, nous ne pensons plus au potier, car une image nouvelle surgit à l’esprit, celle de l’artiste, du sculpteur qui, comme un Phidias, est tourmenté par l’impossibilité de donner vie à son œuvre achevée. Mais Dieu la lui donne, en la puisant aux profondeurs de son esprit créateur : il lui suffit de souffler son haleine de vie sur l’œuvre à visage humain.
L’acte semblerait banal, si Dieu n’avait qu’à remplir son « vase » d’air. Mais cherchons à préciser le signifié des termes, dans leur articulation à la parole.
Arrêtons-nous sur « souffler » et sur « haleine », ou « souffle de vie ». La définition du Larousse de « souffler » ( expirer de l’air de la bouche ou du nez par une action volontaire ) vaut aussi pour le verbe « nafah ». En effet, la Bible emploie ce verbe quand on souffle sur des braises pour les enflammer ou pour effacer quelque chose, mais aussi, allégoriquement, pour ranimer une flamme. Quant au « souffle » ou « haleine de vie » ( nachem ) c’est la respiration, mouvement où l’aspiration de l’air alterne avec son expiration, dans le mouvement rythmé, continu et immanent de la vie ; la source et le support de ce mouvement rythmique est l’âme ( nefech ).
Il existe donc une distinction radicale entre « souffler » et « respirer », et donc entre le souffle et l’haleine. Or, pour comprendre le texte, il faut ajouter que le souffle, par lequel Dieu donne la vie humaine à son œuvre, a pour objet non l’air, mais précisément l’haleine qui, passant par le nez, devient sa propre respiration. Il s’agit d’une communication de la vie faite, à proprement parler, non par le « souffle » mais par une « inspiration ».
Les auteurs de la Vulgate l’ont bien compris, qui traduisent le verbe « souffler » par « inspiravit », et le souffle « nechema » par « spiraculum ». Ainsi, dans cette communication de vie, la respiration connaît-elle un triple mouvement : l’aspiration, l’expiration et l’inspiration.
Aspirant l’inspiration divine, la statue à visage humain devient vivante, car elle accueille une âme : elle devient un homme, Adam.
On doit en conclure que la création de l’homme s’est accomplie en deux moments : le premier a abouti à la formation du corps et le second à celle de l’âme. Pour façonner le corps, l’action de Dieu est comparée au modelage d’un vase d’argile propre au potier. Dans la création de la vie, elle est comparée au souffle qui transmet à l’homme de glaise la respiration de la vie.
En décrivant ainsi la création de l’homme le texte, tout en gardant l’originalité du courant yahviste auquel il appartient, devient complémentaire du texte élohiste, auquel il est joint dans la narration biblique. En effet ce texte ( Gn 1: 26 ) présente le fait que Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressemblance, sans pour autant en préciser le mode de création. Le texte yahviste supplée à ce manque. Bien que séparément les textes soient différents, ils deviennent complémentaires quand ils sont associés pour constituer le sens du livre. Ils le sont aussi par le souci d’affirmer que l’homme a été créé et non engendré par Dieu, et que sa création demeure unique, distincte de celle des autres entités du monde.
En effet, tandis que Dieu a créé les choses du monde par sa parole tout en restant extérieur à elles, dans la création de l’homme il engage sa personne.