ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


                              Auteurs Méthode Textes
  Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris



La  création  d'Adam



Genèse 2: 7




Le genre littéraire :
Parole de Dieu, ou mythe ?




Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI





Sommaire
Le contexte

Exégèse
Et une vapeur s'éleva
Yahvé-Élohim forma
Il souffla sur les narines


Le genre littéraire

Genèse du récit

Le récit yahviste
De la conscience de soi au
  récit
Du récit mythique à l'histoire  


Le texte élohiste

Les deux Adam


’un point de vue formel, ce récit s’inscrit dans le genre littéraire de la « parole de Dieu », qui recou­vre tous les messages que des hommes déclarent avoir reçus de Dieu et qu’ils transmettent sous son autorité, pour n’être acceptés comme vrais que sur leur témoignage.

   Ce récit s’inscrit dans ce genre littéraire parce que la création ne pouvait être connue que de Dieu : l’homme, pas encore créé, ne pouvait en avoir con­science. Mais ces mêmes raisons qui nous obligent à le classer dans le genre de la « parole de Dieu », le mettent au-delà de tout critère de vérité. Car comment savoir que la parole, proclamée comme venant de Dieu, a été véritablement prononcée par lui, puisque personne n’a jamais vu Dieu ? Mais les « témoins » en ont donné des signes, dira-t-on. Ce­pendant ce sont des signes subjectifs, puisque ce sont des impacts bienfaisants de la parole sur l’existence de ses auditeurs ou des phénomènes conjoints, qu’ils croient miraculeux parce qu’ils dépassent les limites des connaissances du moment.

   Pourtant l’événement supposé par la création est tellement lié à l’existence de l’homme qu’il peut être légitime de l’appréhender par des voies autres que celles de la raison : par l’introspection et non par la démonstration.


Nous avons dit que Dieu a créé l’homme différem­ment des choses du monde, non par la seule puis­sance de sa parole, mais en y engageant son être par son esprit. Dès lors, il est permis de supposer que, par l’acte de création, Dieu laisse dans l’hom­me des traces de sa présence, qui demeurent refou­lées dans l’inconscient. Or les paroles reçues com­me venant de Dieu ont sur les lecteurs un impact tel qu’elles peuvent être considérées comme des évé­nements, destinés à susciter la réminiscence de la présence de Dieu par la création.

   Hypothèse séduisante, qui fait penser à la rémi­ni­scence platonicienne sans se détacher de l’expérien­ce, mais que je n’approfondirai pas, parce qu’elle est étrangère à la structure du récit de la création. Cette solution s’avérerait possible si la lecture du récit éveillait le souvenir d’un fait à la fois tout à fait nouveau et extérieur à l’expérience. Or cette lecture ne rappelle rien de neuf, sinon un fait de notre expérience : la production d’un objet de pote­rie.

   Nous ne nous sommes pas aventurés sur le che­min de l’introspection attirés par une lumière qui brillerait au fond de notre conscience, mais éclairés par notre propre expérience. Nous n’avons pas été frappés par l’éclat d’une parole venue des profon­deurs de nous-mêmes, mais nous avons exprimé en parole le silence de notre esprit devant la question de notre origine, et donné forme à l’inconnu sur le modèle de notre moi. Il ne s’agit pas d’un événe­ment de Dieu en nous, mais du transfert en lui de notre moi. Bref, ce n’est pas une parole révélée, mais un mythe.


Les mythes fondateurs remontent aux origines des peuples, quand les hommes ne pensaient pas par raisonnement mais par imagination. Des mythes naissent encore aujourd’hui, dans notre temps « scientifique », toutes les fois que la question de l’être porte sur des thèmes qui sont au-delà de l’ex­périence, comme les origines et la finalité du monde et de la conscience ou le sens de l’existence. Ne pouvant y répondre par la raison, on y supplée par l’intuition et par le transfert de la conscience de soi.

   Pourquoi ce transfert ? Parce que l’homme, mê­me s’il n’argumente pas par la raison, est conscient de ne s’être pas fait lui-même, mais d’avoir été en­gendré par un processus de génération des choses. Et puisqu’il vit des flux du monde sur lui, il se persuade que ces objets sont, comme lui, des êtres pensants, d’autant plus grands qu’ils l’ont engendré et le maintiennent en vie. Il s’agit de la lumière et de la chaleur, de l’espace et du temps, de la pluie et des saisons, des fruits de la terre et de la mer. Engendré par eux, il est « à leur image et à leur ressemblance ». Dès lors, il peut les reconnaître en se regardant lui-même, comme son propre reflet dans un miroir.

   Ainsi, avant toute connaissance par la raison, l’homme connaît par un processus de similitude, en se regardant lui-même et en allant d’une chose à l’autre. La pensée ne se développe pas par argu­mentation mais par métaphore, qui demeure au ni­veau de l’imagination et de la représentation et non de la vérité.


Si le mythe est de l’ordre de la représentation et non de la vérité, est-il donc un mensonge ? Il l’est, si on lui attribue une fonction de vérité, en étant convaincu que sa parole répond au problème de l’être. Par contre, il n’y a pas de mensonge si on le considère comme une métaphore au niveau de l’existence. Le mensonge se situe donc dans l’inter­prétation ontologique.

   Par sa structure, le mythe n’est pas un processus épistémologique mais de sens. En effet, il naît de la conscience des limites de l’homme et de l’impos­sibilité de connaître ses origines et sa finalité. Le mythe tend à insérer l’existence de l’homme dans le cadre d’une finalité où il trouve sa raison d’être, où se définit le sens de sa vie.




Le 18 avril 2000




Retour à l'accueil Il souffla sur les narines Haut de page Regard sur la genèse du récit de la Grèce au judaïsme    Imprimer

t423000 : 11/01/2017