ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  création  d’Adam



Genèse 2: 7




Le texte élohiste




Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI





Sommaire
Le contexte

Exégèse
Et une vapeur s'éleva
Yahvé-Élohim forma
Il souffla sur les narines


Le genre littéraire

Genèse du récit

Le récit yahviste
De la conscience de soi au
  récit
Du récit mythique à l'histoire  


Le texte élohiste

Les deux Adam


uisque le texte yahviste de la création d’Adam est, selon l’hypothèse avancée, une adaptation d’un texte de tradition élohiste, il convient de l’épurer du sens yahviste dont il a été chargé et de le ramener au contexte de la narration élohiste du premier chapitre de la Genèse.

   Rappelons que ce chapitre contient déjà un paragraphe sur la création d’Adam, dont le nom ne désigne pas le premier humain mais l’homme géné­rique, en sorte que l’insertion du récit tiré de la narration yahviste ne constitue pas un doublet mais l’achèvement de la narration élohiste : au récit de la création de l’homme en général est adjoint celui de l’homme concret et individuel. En d’autres termes, par son emprunt, la tradition yahviste a amputé le texte élohiste. En redonnant la place au texte emprun­té il est possible de restituer son sens.


Reprenons donc le récit élohiste, dans lequel « Él­ohim », après avoir accompli la création des cieux et de la terre, crée Adam, l’homme, mâle et femelle « à son image et à sa ressemblance ». À la lumière de ce texte, on doit interpréter le récit prométhéen de la création, car en décrivant la création de l’homme il devient le modèle de la création des hommes individuels.

   Ainsi le mot « argile », propre au texte promé­théen, reste car Dieu n’a pas créé l’homme quand la terre était encore couverte de poussière, mais quand elle était verdoyante d’herbes et de plantes, pleine, comme dit le texte, « de toute herbe portant de la semence… à la surface… et de tout arbre ayant en lui du fruit… portant de la semen­ce » ( Gn 1: 29 ). D’ailleurs, Élohim n’aurait pas pu créer, comme Yahvé, Adam à partir de la poussière de la mort, mais à partir de la vie, et il n’entendait pas placer Adam dans un jardin clos, mais sur la terre déjà épanouie, fleurissant comme un jardin.


Parvenue à la beauté de sa perfection, la terre pouvait offrir à Élohim, pour créer les hommes, cette matière qui gisait au fond des sources pour filtrer les eaux et les purifier, et au fond et aux flancs des rivières pour en permettre le cours. Matière inféconde, mais destinée à l’artisanat et à l’art : l’argile. Et Dieu modela l’argile en forme d’homme, première amphore destinée à recevoir l’âme, afin de capter les ondes de la nature, comme la lumière et les sons, les parfums et les saveurs, ainsi que la force de gravitation et d’attraction magnétique. Il devait pouvoir percevoir le monde, parce qu’il devait en maîtriser les forces et le dominer.


Si Élohim a fait l’homme « mâle et femelle », il a façonné deux statues et non une seule, l’une mâle, l’autre femelle, « à sa similitude et à sa res­semblance ». Car Élohim est un « je » à double visage, mâle et femelle, de même que sa parole n’est pas un monologue mais un dialogue entre son « en-soi » féminin et son « en-soi » masculin.



L’œuvre de la création ne pouvait pas en rester là, car l’Adam devait être de chair. Pour compléter le récit, nous ferons appel à Ézéchiel qui, en invo­quant l’esprit de Dieu sur les os, « Vit que des os jaillirent des nerfs et crût la chair, et la peau les couvrit par-dessus, mais l’esprit de Dieu n’était pas encore en eux » ( Ez 37: 8 ). Ils devinrent « des âmes vivantes » par le souffle de Dieu.

   Miracle de la résurrection, que l’on trouve chez Élie qui redonne vie à un enfant par son souffle (1 R 17: 17-24). Avec plus de détails et de préci­sions, le même miracle est opéré par Élisée. Appelé par une Sunamite pour qu’il redonne la vie à son enfant, Élisée « Se coucha sur l’enfant, il mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses mains et il s’étendit sur lui… Et l’enfant se réchauffa » ( 2 R 4: 34-36 ). Aujour­d’hui, cette action est connue sous le nom de « bouche à bouche », exercée sur une personne traumatisée ; au temps du prophète, elle était considérée comme une action miraculeuse, qui redonnait la vie à un mort par ce souffle de vie par lequel Dieu avait créé l’homme.

   Mais ce souffle sur la bouche est encore plus profond ; il évoque aussi l’étreinte érotique et sexuelle de l’amour. Si les Dieux de la mythologie engendrent des enfants par ce baiser d’amour, il est légitime de supposer que le récit mythique sur lequel les rédacteurs élohistes se sont fondés se référait à un tel baiser. Même si pour eux ce souffle n’avait pas un caractère sexuel : la sexualité avait subi une sublimation au cours du processus de démythologisation, allant de la génération sexuelle à la génération par l’esprit.

   Cette génération-là est manifestée non seulement dans la Bible, mais aussi chez les Grecs. Dans Les suppliantes d’Eschyle, Zeus fait accoucher Io de son enfant par des « souffles divins » ( theiais epi­pnoiais ) ( Les suppliantes, 575 ). En cela Zeus ne diffère guère d’Élohim qui rend féconde une fem­me stérile.


Toutefois, dans le texte de la création, Élohim donne la vie à l’homme et à la femme et les rend féconds par ce même baiser d’amour qui le fait créateur et fin de sa créature.




Le 18 avril 2000




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