e récit des Proverbes exhorte les hommes à ne pas abandonner « la femme de la jeunesse » pour s’unir à une « étrangère ». Ce fut souvent le cas, surtout au temps de la déportation quand les Juifs, au con­tact de mœurs différentes, furent entraînés à com­mettre des actes contraires à leurs valeurs propres. Peut-être n’en avaient-ils pas pleinement conscience.
L’auteur des Proverbes leur faisait comprendre, sans les condamner pour autant, qu’ils profitaient d’un privilège que Moïse leur avait accordé pour se dresser contre la volonté de Dieu. Moïse leur avait permis le divorce, mais les avait aussi avertis de se garder des femmes étrangères, qui les auraient en­traînés à abandonner le Dieu des Juifs pour adorer le leur ( Ex 34:15-16 ; Dt 7:3-4 ). Dans leur jeunesse ils avaient suivi la recommandation du prophète, mais devenus adultes, ils utilisaient ce privilège pour abandonner la femme de leur jeunesse et nouer des alliances avec des femmes étrangères.
Leur péché n’était donc pas de répudier leur fem­me, mais de s’unir à des étrangères qui les condui­saient à leur perte. L’auteur ne s’adresse pas à ceux qui avaient déjà commis le mal, mais à ceux qui se­raient tentés de le faire. Il ne profère pas les invec­tives coutumières aux prophètes, mais s’adresse à eux avec un lyrisme proche de celui du Cantique des Cantiques :

Bois les eaux de ta citerne,
les eaux qui sortent de ton puits.
Que ta source soit bénie,
et fais la joie de la femme de ta jeunesse,
biche des amours, gazelle pleine de grâce ;
sois en tous temps enivré de ses charmes,
sans cesse épris de son amour.
Et pourquoi, mon fils, serais-tu épris d’une étran­gère
et embrasserais-tu le sein d’une inconnue ?

( Pr 5: 15-20 )

Aucune menace ni invective, mais des vers qui at­teignent les hommes dans leur for intérieur, pour les persuader de revenir aux amours de leur jeunesse. De cet amour jaillit l’image de la femme juive dans toute sa beauté et son attrait, pour toucher leur cœur dès que les paroles du moraliste résonnent dans leurs oreilles. On pourrait même supposer que ces vers lui ont été inspirés par les femmes elles-mêmes, dres­sées face à leur maître, exaltées au dessus de la con­dition qui les asservissait. Ces vers viennent en écho du refrain du Cantique : « Je vous en conjure, filles de Jérusalem, par les gazelles et les biches des champs, ne réveillez pas, ne réveillez pas l’amour, avant qu’elle le veuille » ( Ct 2:7 ).