ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Jésus  rejette  la  loi  sur  le  divorce


Marc 10: 1-12




Jugement de Jésus, ou du
« Jésus-Christ » de la foi ?



Magnum Dictionarium, de P. Danet, 1691





Introduction
Sommaire

Le précepte du divorce

Les Proverbes et Malachie
La femme de la jeunesse
La femme de l'alliance

Dans le sillage de Malachie : Jésus

La dispute de Jésus avec les pharisiens
La critique de Jésus
Réplique des pharisiens
Les raisons de Jésus

Jugement de Jésus, ou du « Jésus-Christ » de la foi ?

l est temps de nous demander si ce jugement sur le précepte du divorce a été réellement porté par Jésus, ou s’il n’est que le produit de la critique de l’église primitive qui l’aurait attribué à Jésus, reconnu com­me le Christ.

   Pour le lecteur qui n’aurait pas encore établi la distinction entre Jésus et Jésus-Christ, j’ajouterai que les Évangiles ont été écrits, selon Jean, pour démon­trer que Jésus était le Christ (Jn 20: 31 ), à partir, selon Luc, des témoignages « oculaires » sur Jésus (Lc 1:2 ), interprétés à la lumière du Christ des Écritures.
   Le Jésus de l’histoire se cache dans les Évangiles, sublimé dans la personnalité du Christ. Ainsi, au niveau de l’explicite du sens énoncé, les Évangiles parlent de Jésus-Christ mais, au niveau du non-dit et du refoulé, ils rapportent des informations sur Jésus qui impliquent son historicité. Dès lors, pour re­trouver le Jésus de l’histoire, il faut dépasser le sens du discours des Évangiles et le déstructurer, afin de retrouver ainsi les informations refoulées.


Pour ce qui est de notre texte on peut dire que, se­lon les rédacteurs des Évangiles, Jésus s’exprime avec une telle liberté et une telle autorité qu’il se révèle le médiateur des Écritures. Ce n’est pas un scribe ni un prophète qui les interprète, mais le Christ, qui détient l’autorité pour les accomplir. Exa­minons séparément les récits de Matthieu et de Marc.

   Chez Matthieu, Jésus oppose sa parole à l’obli­gation morale de la Torah : « Il a été dit… mais moi je vous dis » ( Mt 5: 31-32 ). Quel autre « moi » peut s’opposer à la parole fondatrice de la Torah que celui qui est l’égal du « Je » de Dieu, et qui couvre de son autorité celle de Moïse et des prophètes ? C’est à dire le moi du Christ. En effet, pour l’Évan­gile de Matthieu, le Christ est l’accomplissement des Écritures.

   Pour Marc, les dernières paroles de Jésus pro­clament son autorité christique : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ». Sans doute, ces paroles pourraient être attribuées à un homme qui ne serait pas nécessairement le Christ, mais selon le contexte de l’Évangile de Marc, quel homme aurait pu rabaisser Moïse au rang d’un quelconque législa­teur et accuser les pères de la tradition judaïque d’élever un privilège à la transcendance d’une Loi divine, sinon le Christ, que Dieu a établi comme l’arbitre des Écritures ?


Cependant, si nous mettons entre parenthèses cette personnalité, nous découvrons que Jésus a une con­naissance des Écritures moins charismatique qu’ana­lytique, qui met en évidence des contradictions qu’il résout par la dialectique. Jésus a mis le texte élohiste en contradiction avec le texte yahviste : il passe sous silence la création d’Adam, et ne conserve de la création que le texte élohiste. Cette critique fait de lui plus un savant qu’un Christ. Selon cette dialectique, Jésus a conclu que Moïse avait accordé aux hommes le droit du divorce par complaisance envers la dureté de leur cœur à l’égard de leurs femmes.

   Au sens explicite de la controverse, on peut dire que Jésus n’a pas contesté l’autorité de Moïse ni celle de la Loi, mais seulement l’excès des hommes qui ont contraint Moïse à leur concéder ce privilège, dont ils ont abusé jusqu’à le considérer comme un droit divin. « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ».

   Cet homme n’est pas seulement le Juif qui se sépare de sa femme, mais également Moïse qui, par ce privilège, a subordonné la Loi du commencement à celle du Sinaï. Cet homme est encore Adam qui, selon le texte, se fait auteur de l’institution du mariage : « C’est pourquoi l’homme ( isch ) quit­tera son père et sa mère et s’attachera à sa femme et ils deviendront une seul chair » ( Gn 2:24 ), alors que, selon la source élohiste, Dieu a prononcé ces paroles au moment où il a créé l’homme, mâle et femelle. En réalité, Jésus remet en question la Loi et les hommes de la Loi.

   Pourtant cette exégèse, qui constitue le fondement de la critique, n’est pas évoquée dans le discours ; elle demeure refoulée au niveau du non-dit. Ce refoulement présume que les rédacteurs des Évan­giles ont voulu représenter Jésus non comme un Rabbi qui connaît les Écritures par l’étude, mais comme le Christ, qui les révèle comme parole de Dieu.


En bref, l’analyse archéologique des textes nous au­torise à attribuer cette critique à Jésus, même si elle est présentée comme celle du Christ. Pour consi­dérer une doctrine du mariage et du divorce fondée sur le « Christ de la foi », il faudra nous en remettre à Paul (Ep 5:21-33 ; 1 Co 7:10-16 ).




Le 20 janvier 2001




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