ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Jésus  rejette  la  loi  sur  le  divorce


Marc 10: 1-12




La dispute de Jésus
avec les pharisiens



Les raisons de la critique de Jésus



Magnum Dictionarium, de P. Danet, 1691





Introduction
Sommaire

Le précepte du divorce

Les Proverbes et Malachie
La femme de la jeunesse
La femme de l'alliance

Dans le sillage de Malachie : Jésus

La dispute de Jésus avec les pharisiens
La critique de Jésus
Réplique des pharisiens
Les raisons de Jésus

Jugement de Jésus, ou du « Jésus-Christ » de la foi ?

eprenons l’exégèse des textes qui justifie cette thèse. Les exégètes modernes ont découvert que le Penta­teuque est constitué de deux sources, élohiste et yah­viste, qui se côtoient et s’interpénètrent en un seul discours. L’aperçu que nous avons donné du texte de Marc sur le divorce montre que Jésus le savait. En désignant la source élohiste comme norme d’in­terprétation, il indiquait qu’il avait une connaissance exacte du contenu des deux sources. Il n’a pu ignorer que leur différence portait autant sur l’image de l’homme que sur celle de Dieu lui-même.

Dans le texte élohiste, la création du monde par Dieu précède celle de l’homme ; dans le yahviste, Dieu façonne l’homme quand la terre est encore recouverte de « poussière » et qu’aucun arbuste n’y pousse.
   Dans le premier, Dieu insère l’homme dans le flux de vie sans craindre qu’il soit corrompu ; dans l’au­tre, Dieu met l’homme dans un jardin clos et ver­doyant, à l’écart d’une nature encore en gestation, afin de le protéger de la corruption.
   Dans l’un, Dieu veut que l’homme soit le maître du monde, dans l’autre, il le redoute.
   Dans les deux textes, l’homme et la femme s’unissent en partageant le fruit de la vie, mais dans le premier Dieu les bénit ( Gn 1:28 ), dans le second il les maudit ( Gn 3:14-19 ) et, parce qu’ils souhai­taient et croyaient devenir semblables à des dieux, ils sont condamnés à une vie de souffrance, assujettie à la mort.
   Selon l’élohiste, l’homme puise sa force de crois­sance et d’épanouissement dans la nature, tandis que dans le yahviste, il doit se purifier des souillures de sa chair que le contact avec la nature lui impose comme une lèpre. Purification de l’étreinte amoureu­se de l’homme qui a touché une femme et purifica­tion de la femme devenue enceinte et qui a accouché d’un enfant.
   Enfin, pour l’élohiste, la femme est une reine, aux côtés d’un homme roi de la nature, maître des bêtes des champs, des oiseaux du ciel et des poissons de la mer ; pour le yahviste la femme est une servante, soumise à la volonté de l’homme et la honte du di­vorce.


De même les images de Dieu sont contradictoires : Élohim porte en lui l’image d’un Dieu d’amour pour la vie de tous les hommes,  Yahvé celle d’un Dieu jaloux qui asservit le peuple juif à son pouvoir et à sa gloire parmi les dieux du monde.


Malgré leur opposition, les deux textes ont été réu­nis pour former un troisième récit, qui n’a cependant qu’une existence virtuelle, car les deux sources ne forment pas une synthèse mais un bricolage de cou­pures, de collages et de juxtapositions, le tout par­semé d’apories et d’équivoques. Arrêtons-nous aux apories qui auraient poussé Jésus à extrapoler les paroles concernant l’institution du mariage.




Revenons aux récits, de manière plus précise quant à leur sens et au texte lui-même.

   Le récit élohiste parle d’Adam, l’homme en géné­ral et tous les hommes dans l’unité de leur nature. Le texte hébreux dans sa logique peut se traduire ainsi : « Dieu créa Adam ( l’homme ) à son image, il le créa à l’image de Dieu, il le créa mâle et femelle » ( Gn 1:27 ). Selon ce texte, la légitimité du mariage ne se fonde pas sur la volonté de l’homme ou de la femme, mais sur l’intention divine, constitu­tive de la nature de l’homme.

   Dans le second chapitre l’homme, créé avant la femme et celle-ci pour lui, est aussi l’arbitre du ma­riage.

   Ajoutons que les paroles de l’institution du maria­ge sont énoncées par Adam, et non par Dieu, dès qu’il constate qu’elle est « os de ses os et chair de sa chair ». Rappelons le texte : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, s’attachera à sa femme, et les deux seront une seule chair ». C’est pourquoi ! Adam, le mâle, s’adresse à tous les hommes qui naîtront de lui. En effet, dans « l’hom­me quittera » le mot employé n’est pas « Adam », mais « isch », qui caractérise l’individu mâle, par opposition à l’individu femelle, « Ischa », extrait de lui.


Nous avons déjà indiqué que ces deux textes ont été assemblés par bricolage, par des jonctions et des retouches qui invitent le lecteur à infléchir le sens du premier récit vers le second, en remplaçant par exemple le pronom singulier « le » par le pluriel « les » dans l’énoncé : « Il ( Dieu ) le créa (l’hom­me) mâle et femelle ».

   Par cette mutation, le lecteur sépare l’énoncé de la phrase dont il fait partie, et donc de son sujet « homme », pour le constituer en une affirmation autonome ayant son propre sens : « Dieu a créé l’homme et la femme », ce qui est la traduction mo­derne. Il n’est donc pas contradictoire de relier cet énoncé au récit de la création du second chapitre. Dieu a bien créé l’homme et la femme dans cet or­dre : d’abord l’homme, puis la femme, en l’extrayant de la chair de l’homme.


Cette exégèse confirme le jugement de Jésus sur le précepte du divorce : il ne s’agit pas d’abord d’un commandement de Dieu, mais d’un privilège que Moïse a concédé aux hommes en raison de leur pouvoir sur les femmes. Ce privilège ne peut pas être considéré comme une Loi divine, car Dieu a créé la femme en même temps que l’homme, et in­dépendamment de lui. L’homme ne peut pas répu­dier sa femme, et la femme ne peut pas se séparer de l’homme, car leur union dépend de Dieu. Ce précepte ne se légitime qu’en renonçant au récit élohiste de la création, ou en biaisant sa signification. Dieu n’aurait pas créé l’homme mâle et femelle, mais un individu mâle ( isch ), soumis à une opéra­tion pour former de lui une femme ( ischa ), à partir de lui-même et pour combler sa solitude.




Le 20 janvier 2001




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