Pour l’Église qui l’a condamné, Judas est beaucoup plus qu’un traître, puisque son péché excède les limites de l’humain. Il est un pécheur chez qui la souillure du péché mérite bien plus qu’une condamnation : un interdit.
   Les apôtres ont procédé à l’élection du successeur de Judas dans la personne d’un témoin de la résurrection de Jésus, parce que le ministère apostolique était fondé, selon les textes évangéliques, sur cette attestation, grâce au témoignage du Saint-Esprit. C’est pourquoi la trahison de Judas ne serait pas seulement un péché contre Jésus, mais essentiellement contre l’Esprit, qui témoigne avec certitude dans le cœur du croyant que Jésus est le Christ. Or, un logion de Jésus affirme : « Quiconque parlera contre le Fils de l’homme, il lui sera pardonné ; mais quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir » (Mt 12:32).
   La trahison de Judas révélait ainsi la profonde gravité de son péché : non seulement péché contre le Fils de l’homme, mais surtout contre le Saint-Esprit, qui avait témoigné en son cœur que Jésus était bien le Christ. Ayant rejeté la foi initiale, Judas était devenu un renégat, qui avait refusé le témoignage de l’Esprit. Son péché était donc impardonnable.

   Dès lors, le jugement de Pierre relevait d’un pouvoir inquisitorial, qui ne se justifiait que par la seule investiture de la parole de Dieu. L’inquisition remonte ainsi aux origines de l’Église, et Judas est le premier à en avoir subi la condamnation.
   Il serait le premier hérétique et schismatique que l’Église a frappé d’excommunication, le père d’une longue série d’hommes qui a jalonnée l’histoire de l’Église : Arius, David de Dînant, Hus, Luther, Bruno, Galilée, etc. Le père de ceux qui se sont insurgés contre le dictat d’une parole qui prétend à la vérité par le sacrifice de la raison.