ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisJudas |
II- Du Judas de l’histoire
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PROLOGUE INTRODUCTION REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVANGILES DU JUDAS DE L’HISTOIRE AU JUDAS DES RÉCITS - La mort tragique de Judas - Accusations réciproques - Du compagnon au traître - Raisons et intrigues - Dans le mystère du Christ ÉPILOGUE ANNEXES . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Dans cette deuxième partie, nous allons parcourir un chemin inverse de celui poursuivi dans la première. En effet nous étions allés, par l’analyse, du Judas des récits évangéliques au Judas historique ; nous irons maintenant du Judas issu de l’analyse des textes, au Judas des récits. Le double but de cette recherche sera de vérifier l’analyse opérée sur les textes par la mise entre parenthèse des références bibliques qui ont déterminé la trahison de Judas et le refoulement du Judas historique. Mais elle nous permettra aussi de partir de ce dernier pour mettre à jour le processus de modelage qui l’a transformé en personnage de traître au Christ. À quel moment Judas est-il apparu comme un traître ? La première apparition remonte à sa simulation de traîtrise auprès des sacrificateurs pour découvrir leurs machinations contre Jésus, toutefois il ne le devient vraiment qu’après sa mort. Pour les disciples, il sort en traître au Christ de son tombeau, alors que Jésus ressuscite du sien comme Christ, l’un et l’autre objets inversés d’une même croyance. Pour les suivre, faut-il sortir de l’histoire et s’abandonner à une imagination peuplée de fantômes ? Je dirai plutôt qu’on doit quitter l’histoire de Jésus, pour s’acheminer vers celle de la foi au Christ. Nous n’avons pas à faire à des récits d’apparitions d’esprits, mais à la sublimation de personnes en des personnages qui jouent dans leur drame les événements fondateurs de la foi au Christ. Considérons cette histoire, moins pour connaître les actions de Judas que la genèse de son personnage, en ayant les Actes des apôtres pour fil conducteur. Cette genèse a une longue histoire, qui s’étend de la première confession de foi en Jésus-Christ à la constitution des évangiles. Les apôtres eurent la certitude de la trahison de Judas au moment de sa mort par laquelle, selon eux, Dieu se vengeait du sang innocent de Jésus. Ils ressentirent alors la nécessité d’en faire la déclaration lors de leur première assemblée en tant que « témoins de la résurrection ». Ils prirent acte que Judas était déchu de sa vocation apostolique, et ils élirent à sa place un autre témoin comme apôtre. Cette élection impliquait son excommunication du collège des douze, dont Judas faisait partie dès le début. Elle fut prononcée par les apôtres afin, entre autres, de ne pas être accusés de complicité du crime de trahison de leur ancien frère : pour se présenter devant le peuple comme les « témoins de la résurrection » de Jésus, ils devaient se garder de toute contestation. Dans son discours, Pierre annonça aux Juifs que Dieu avait ressuscité et déclaré Christ ce Jésus qu’ils avaient crucifié, sans cependant les accuser ni craindre d’être accusé. Il ne fit aucune allusion à Judas qui, n’étant plus l’un des douze, était dès lors au nombre des meurtriers de Jésus. Pierre ne recherche pas la polémique, mais il demande à tous de se repentir et de croire que Jésus était le Christ : les promesses faites par Dieu aux pères avaient été accomplies. Son discours fut bien accepté par ses auditeurs, pour la plupart des Juifs de la diaspora. L’attitude d’Étienne, l’un des nouveaux diacres, fut toute autre. L’élévation de Jésus à la dignité de Christ le pressait d’accuser les Juifs d’être meurtriers du Christ, comme avant eux leurs pères l’avaient été des prophètes qui l’avaient annoncé. Son discours agressif visait à ôter aux Juifs la possibilité de faire de Judas l’alibi de leur responsabilité dans la mort de Jésus, pour le charger lui-même de toute la responsabilité dans la trahison comme dans la condamnation de celui-ci. Il était inutile de mentionner Judas, puisque les Juifs étaient à la fois les meurtriers et les traîtres du Christ ! On n’est donc pas surpris que le discours d’Étienne, plus une condamnation qu’un message de salut, n’ait suscité aucune conversion. De plus, ses auditeurs n’étaient pas des gens du peuple, mais des sacrificateurs et des scribes, des pharisiens et des anciens, ceux-là mêmes qui avaient condamné Jésus. Étienne ne reçut pour réponse que la lapidation. Par la suite, la persécution se changea en controverse. Un texte rapporté par Celse nous informe que les Juifs répondirent à l’accusation des disciples en les traitant de vils traîtres, pires que des brigands, pour leur avoir livré leur maître afin qu’il soit jugé. Leur prétention à être les témoins de la résurrection d’un homme qu’ils avaient livré eux-mêmes au jugement n’appelait que le mépris, et rendait dérisoires leur accusation comme leur témoignage. La contre accusation des Juifs suffit pour expliquer la nécessité pour eux d’extraire Judas de leur inconscient, pour qu’il atteste qu’il avait bien livré Jésus, ce qui correspondait à l’arrêt de dénonciation formé par le Sanhédrin. Ainsi, témoins de la résurrection du Christ, les apôtres devinrent-ils aussi les témoins de la trahison de Judas. Mais comment purent-ils porter témoignage d’une trahison qui n’avait pas eu lieu ? Ce Judas, dont ils témoignèrent, fut-il une personne de l’histoire, ou l’image d’un homme qu’ils avaient chargé de leurs péchés et de leur lâcheté, et même de leur trahison ? Quoi qu’il en soit, personne historique ou personnage psychanalytique et dramatique, il sort de l’inconscient collectif des apôtres pour habiter la conscience culturelle formée à partir de leur témoignage. |
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t620000 : 09/12/2017