Le suicide de Judas :
un sacrifice
Libérant
Judas du mensonge et présenté comme le témoignage de son innocence et un acte de contestation, le suicide fut pour lui le moyen de participer de manière éminente à l’action et à la mort de
son maître.
Rappelons l’affirmation de
Matthieu : «
Judas jeta les pièces d’argent dans le Temple, se retira et alla se pendre » (
Mt 27:5). Ces pièces d’argent, étroitement liées à
Jésus, sont le prix de la trahison, et sont répandues dans le
Temple par
Judas comme le symbole du sang innocent de
Jésus qui retombe sur
Israël.
Judas va se pendre, à cause de ce sang que les
sacrificateurs veulent répandre, et parce qu’il a trahi par méprise. La concision et la brièveté du texte peuvent laisser penser que le suicide de
Judas a été soudain. Mais puisque
Judas a pris sa décision après le refus des
sacrificateurs d’accepter son témoignage de l’innocence de
Jésus, on peut supposer qu’il s’est tué pour témoigner de l’innocence de
son maître. Auparavant, il a dû se rendre au
Golgotha afin de voir, lui-même, le sang de
son maître couler sur la croix.
Le souvenir du pain trempé, que
Jésus lui avait offert lors de la cène, demeurait gravé dans sa mémoire. À présent, le sang de
Jésus n’était plus une image : il coulait réellement de son corps, invitant
Judas lui-même à passer du symbole à la réalité.
Judas a répondu à cet appel, afin de sceller par son sang la communion que
son maître avait annoncée par la coupe de la cène. Il apportait son innocence en témoignage, non plus en parole comme devant les
sacrificateurs, mais par sa mort, consommée comme un sacrifice.
Judas n’ignorait pas que, selon la Loi, on ne pouvait pas laisser, la nuit, le corps d’un criminel «
pendu à un bois », afin ne pas «
souiller le pays », que le
Seigneur avait donné au
peuple : «
Celui qui est pendu est un objet de malédiction » (
Dt 21:23). C’est pourquoi le corps de
Jésus fut enlevé de la croix et enseveli avant la tombée du jour (
Jn 19:31).
Judas s’est-il suicidé aussitôt après la mort et l’ensevelissement de
Jésus ? En ce cas, non seulement il aurait subi la même mort que
son maître mais, en transgression de la Loi, il serait resté la nuit «
pendu au bois » comme signe de malédiction, souillant ainsi la
terre d’Israël. Sur le parvis du
Temple, il avait répandu les trente sicles d’argent afin que le sang innocent de
Jésus retombe sur lui, à présent, il y projetait son ombre maudite, comme l’expression de sa souillure. « Le compagnon » suivait
son maître dans le mystère de sa mort, comme il l’avait suivi et servi dans le message de sa vie.