Le suicide de Judas :
un témoignage
S’il était de l’intérêt des
sacrificateurs, des
disciples et des camarades que
Judas fût un traître, de qui
Judas aurait-il pu espérer un témoignage de son innocence ? Sans doute de
Jésus, son maître, qui le lui avait déjà accordé en l’accueillant en ami à
Gethsémani. Maintenant, il ne pouvait plus témoigner pour lui, pas plus que le
disciple ne le pouvait de son innocence. S’il l’avait pu, son témoignage n’aurait sans doute pas été reçu par les
disciples, pour qui
Jésus était victime de l’artifice de son compagnon.
Ils auraient porté sur le comportement de
leur maître envers
son compagnon le jugement que les
Juifs portaient sur ses relations de pouvoir envers ses
disciples. Rappelons l’opinion rapportée par
Celse : «
puisqu’il fut livré (prodotheis
) par ses subordonnés, il n’a pas commandé en bon général, et après avoir dupé ses disciples, il n’a pas inspiré à ses dupes la bienveillance, si l’on peut dire, qu’un chef a pour un brigand » (
Origène,
Contre Celse, 2,12).
Judas ne pouvait pas non plus porter témoignage de l’innocence de
Jésus puisque, comme traître, il avait perdu toute crédibilité. Tout ce qu’il aurait pu dire ou faire aurait été supposé motivé par l’argent et le profit, l’intrigue et le pouvoir.
Il ne lui restait pour preuve de son innocence que le suicide. En renonçant à la vie, il attestait que l’argent, le pouvoir, l’intrigue et le profit n’étaient pas la fin son existence : mieux valait la mort qu’une existence de traître. La mort l’érigeait en « martyr », c’est à dire en témoignage d’une vie vécue dans l’honnêteté. Le « martyr » endure une souffrance jusqu’à en mourir, en témoignage d’une idée ou d’un engagement.
Judas ne fut pas, cependant, un martyr attendant la mort, mais il est allé au-devant d’elle. Jugé traître par tous, et ne parvenant pas à démontrer son innocence, il s’est donné la mort à laquelle il était condamné en témoignage de son innocence et de celle de
Jésus.