ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Judas




I- Regard critique sur les évangiles




10- La mort de Judas



PROLOGUE

INTRODUCTION

REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVANGILES
- L’annonce de la trahison
- Le contexte historique
- Les fêtes de la Pâque
- Gethsémani
- Le récit de la trahison
- La trahison simulée
- L’arrestation de Jésus
- Troisième rencontre
- Jésus, entre prophétie et
   politique

- La mort de Judas
  - La rédaction de Matthieu
  - La rédaction des Actes
  - Le non-dit des textes
  - Le suicide

DU JUDAS DE L’HIS­TOIRE AU JUDAS DES RÉCITS

ÉPILOGUE

ANNEXES


. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

La rédaction des Actes


   Selon les Actes, Judas meurt tout à fait différemment lorsqu’ils relatent le discours de Pierre au cours du premier rassemblement des croyants, destiné à élire un témoin de la résurrection dans le ministère apostolique rendu vacant par la trahison et l’apostasie de Judas.
   Pierre ne considère pas Judas comme un pécheur repenti, mais comme un traître qui a vraiment vendu son maître et Seigneur pour de l’argent. Puis il s’est acheté un champ, où il est tombé en s’écrasant « par le milieu du corps ». C’est pourquoi, ce champ a été appelé « Hakeldama », (champ du sang), appellation qui semble se référer à la fois au sang de Jésus et à celui de Judas. Dieu vengeait ainsi le sang de Jésus par le sang de Judas. Dieu n’a pas envoyé de « tueur » pour le venger, mais il a fait justice par un accident survenu au traître lui-même.
   Comment Judas a-t-il pu tomber si tragiquement en prenant possession de son champ ? L’exégèse renvoie au texte grec, qui doit être compris ainsi : « Étant précipité, il s’est écrasé ». Le texte recourt à l’adjectif « prenes », qui signifie « penché en avant ». Puisque ce mot dérive de « prenizo » (précipiter) la traduction peut être « s’étant penché (d’une hauteur), il fut précipité au sol, et s’écrasa ». La Vulgate, en traduisant par « suspensus » (suspendu) peut laisser penser que Judas s’était pendu, réconciliant ainsi les Actes avec la narration de Matthieu, mais cette traduction est erronée. La mort de Judas serait à la fois banale et tragique : s’étant penché trop en avant, il aurait été précipité en bas, en s’écrasant par le milieu du corps.
   Le concours du hasard est si bien invoqué que cette narration décrit plus une mort par punition divine qu’une mort par accident.
   Pourquoi Judas s’est-il acheté un « champ de potier », terrain qui ne pouvait servir que comme réserve de glaise ou comme cimetière ? Se « penchait-il » d’une hauteur pour contempler son champ, ou bien pour s’y précipiter ? Est-ce par hasard qu’il a glissé sur ce terrain argileux ou pour y finir comme un chien maudit ? Ce récit codé fait référence à la mort par malédiction divine consécutive au péché. Traître maudit, Judas meurt « piégé » par la séduction de sa réussite. Le prix du sang demandait vengeance par le sang, le traître ne pouvait acheter un champ que pour en faire son tombeau.

   Récit terrifiant ! Pourquoi Pierre n’a-t-il pas accordé à Judas de circonstances atténuantes, mais l’a-t-il jugé comme un criminel invétéré ?
   Un mot de Luc, auteur des Actes, nous éclaire, affirmant que Judas alla trahir son maître après que « Satan soit entré en lui » (Lc 22:3), affirmation reprise par l’auteur du quatrième évangile (Jn 13:27). De psychologique, Luc fait de l’acte de Judas une trahison métaphysique. Elle devient l’acte par lequel Satan, en lutte avec Dieu pour la perdition des hommes, a voulu empêcher Jésus de sauver le monde. Acharné à la perte de Jésus, Satan est parvenu à posséder Judas afin qu’il trahisse Jésus. Mais il ignorait que sa ruse était inscrite par Dieu dans le plan du salut, puisque Jésus ne sera Sauveur qu’en mourant. Satan a donc échoué. En abandonnant l’homme qu’il avait possédé pour trahir le Christ, il s’est vengé : il l’a conduit sur une hauteur, pour le précipiter au sol et l’écraser. Cependant il ignorait que la chute de Judas devenait la parabole de la sienne (Lc 10:18).
   Luc transpose la mort de Judas de l’histoire à la théologie et à la métaphysique. Judas n’est pas un homme commun, mais le lieu du conflit entre Dieu et Satan, le Christ et le monde.
   Dans son discours sur Judas, Pierre donne une signification à l’achat du champ avec l’argent de la trahison par la référence aux Psaumes 69 et 109, qui sont à la fois des plaintes sur les persécutions subies par le psalmiste, et des chants de malédiction.
   David étant la figure du Christ, ces psaumes étaient messianiques, parce que révélateurs du Christ. David était ainsi l’image de Jésus persécuté, tandis que ses ennemis étaient celle des Juifs, qui ont persécuté et condamné Jésus.
   Du psaume 69, Pierre retient le verset « que sa maison devienne déserte » (Ps 69:26). La « maison », était le champ que Judas avait acquis avec l’argent de sa trahison. De même que Judas était le point de rencontre entre Dieu et Satan, son champ entrait aussi dans la symbolique du salut. Il est la terre promise, souillée par la mort de Judas et, désormais, lieu impur destiné aux impurs : les morts étrangers.
   Dans le psaume 109, Pierre souligne le verset « Qu’un autre prenne la place » (Ps 109:8), c’est-à-dire, selon l’interprétation, celle que Judas, par sa traîtrise, avait perdu parmi les douze.
   Des questions viennent à l’esprit : Quel était le rôle de Judas parmi les douze ? Pourquoi Pierre a-t-il voulu conserver ce nombre ? Sans doute, les douze rappellent-ils les douze tribus d’Israël devenues, pour l’évangéliste, la figure du ministère des douze apôtres. Ainsi, tandis que les Juifs qui refusaient le Christ, mourraient sur une terre devenue désertique, ceux qui croyaient au Christ voyaient l’accomplissement des promesses faites par Dieu à leurs pères.



juillet 1987




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t619200 : 06/12/2017