ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Les Amalécites et la sortie d’Israël d’Égypte





L’hymne de Moïse


Sommaire

Le texte d’Exode 17:8-16

Introduction

Analyse référentielle

Le témoignage égyptien

L’hymne de Moïse
- Moïse et Miriam
- Bataille et refoulement
- La guerre pour Yahvé
   . L’échec
   . Paroles de motivation

Entre mythe et histoire




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

La guerre pour Yahvé :
Les paroles de motivation et d’engagement



   Et voici la finale du récit concernant un autre message de Dieu adressé à Moïse, et en conséquence l’appel de celui-ci au peuple pour qu’il s’engage dans une guerre pour Yahvé et contre Amaleq, afin de conquérir la terre de Canaan. Je présente une traduction personnelle du récit, car j’estime que les autres ne sont pas tout à fait conformes au texte initial.

   « Yahvé dit à Moïse : " écris ce souvenir dans le livre et mets dans les oreilles de Josué : j’effacerai la mémoire d’Amaleq sous le ciel ".
   Moïse érigea un autel : il l’appela : " Yahvé mon étendard ".
   Et il dit : puisqu’une main sur le trône de Yah, guerre pour Yahvé contre Amaleq de génération en génération » (Ex 17:13-15).

   Cherchons tout d’abord à relever ce que dit ce message concernant successivement Moïse et Josué.
   Yahvé ordonne à Moïse d’écrire dans le livre « ce souvenir » (zicaron), c’est-à-dire l’information au sujet de ce qu’a fait Amaleq. Il ne s’agit pas d’un « mémorial », mais d’une information à mémoriser. Remarquons que le texte ne dit pas « dans un livre », mais « dans le livre » (avec l’article syncopé). Il s’agit du journal de Moïse, dans lequel il rapportait toutes les paroles que Dieu lui disait, ainsi que ses actes. Lors de l’alliance, ce livre sera appelé « livre du témoignage ».
   Dans le message à Josué on trouve une expression forte, presque violent, « mets dans les oreilles de Josué », afin de pousser Moïse à un effort de persuasion. Épuisé par le combat, le jeune disciple était aussi troublé d’avoir été arrêté et contraint à rebrousser chemin. Bien qu’il ait combattu avec honneur, il n’avait pas gagné pour autant et devait craindre pour la suite des événements. Les paroles de Moïse devaient lui redonner du courage et de l’espoir, puisque Dieu avait fait sien l’ennemi qui lui barrait la route ; désormais il ne le laisserait plus seul, mais interviendrait personnellement dans les combats, jusqu’à anéantir l’ennemi en sorte qu’il ne reste de lui aucune mémoire sur la terre.
   Les deux messages semblent contradictoires, car dans le second Yahvé promet à Josué d’effacer la mémoire d’Amaleq, alors que dans le premier il avait demandé à Moïse de la garder en la rapportant dans le livre. Mais les termes, tout en n’étant pas les mêmes, sont des variations de la même racine. Peut-être que par « zikaron » on peut comprendre le souvenir retenu dans le répertoire de la mémoire, et par « zeker’ » le souvenir vécu, où la personne rappelée a une existence dans les consciences. Dès lors, Yahvé ôte Amaleq non seulement du monde, mais aussi de son existence dans le vécu de la conscience des hommes.

   Moïse érige un autel, non pas pour y accomplir un sacrifice, puisque le temps presse, mais pour que son image soit l’emblème, le drapeau de leur marche. En le montrant du doigt au peuple, il dit « Yahvé – Nissi », « Yahvé – mon étendard ». Moïse a-t-il cherché à s’expliquer, ou ces paroles ont-elles suffi pour que le peuple les comprenne comme étant sa nouvelle devise ?
   Moïse et son peuple se trouvaient encore dans le pays des Amalécites, et donc aux portes de cette terre que Dieu avait promis de donner au peuple. Yahvé y aurait eu une maison, et dans cette maison un autel, et sur cet autel son trône. Moïse l’avait érigé comme signe que le peuple quittait cette fois l’Égypte pour célébrer un culte pérenne à Yahvé en terre de Canaan, et que les Israélites étaient les prêtres de ce culte. Dans sa réalité, l’autel est donc la pierre miliaire qui indique au peuple son retour, mais comme image il est l’emblème de la nouvelle marche et, comme parole, il est la devise qui, dans sa bouche, doit devenir un cri de libération et de victoire.
   Comme ce Moïse a dû apparaître différent de celui qui, le jour précédent, élevait avec fatigue ses mains vers un Dieu qui, comme lui, se montrait tout à fait étranger au combat ! Un prophète abandonné au bon vouloir de Dieu, comme le peuple l’était à la chance des armes ! Car ici, il est à la fois prophète et homme de guerre. Peut-être était-il toujours lui-même, qu’il prie ou qu’il fasse la guerre, homme d’un vouloir surhumain qui s’approchait des hommes et de Dieu sans les contraindre à se mesurer à lui : devant Dieu, ne pouvant pas supporter qu’il lui cache son visage, il lui ôte le voile pour parler avec lui « face à face » ; dans la guerre, il ne se borne pas à prier Dieu, mais le contraint à prendre part au combat comme chef responsable.
   Le Moïse qui haranguait le peuple était cet homme-là. Il avait érigé cet autel à la fois comme un lieu de rencontre et de culte, mais aussi comme une catapulte pour lancer son peuple dans une revanche sans pardon. Il fixe son regard sur la terre qu’il est en train de quitter : « Une main s’est levée sur le trône de Yah » (Ex 17:16), mais de qui parle-t-il ? D’Amaleq, qui a interdit au peuple israélite d’entrer dans la terre de ses pères, au nom de tous les peuples qui habitent la Palestine – Cananéens, Amalécites, Moabites, Ammonites, Arabes – devenant ainsi leur représentant. Prophète, Moïse avertit ces peuples qu’ils ont fait tort non seulement au peuple juif, mais aussi à Yahvé qui a poussé ce peuple à retourner à Canaan pour y établir le trône de son règne sur le monde. Par ces mêmes paroles, il fait comprendre au peuple qu’il doit combattre ces nations pour établir le règne de Dieu.
   C’est à ce moment qu’il convient de placer les paroles par lesquelles Moïse appelle son peuple à rentrer en Égypte et à en franchir de nouveau les frontières pour affronter les ennemis à visage découvert : « Guerre pour Yahvé contre Amaleq de génération en génération » (Ex 17:16)… et le peuple se met en marche.



c 1975




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t854332 : 24/02/2019