ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Prométhée et Jésus :
d’Eschyle aux évangiles


(esquisse d’une théologie du mythe)





Deuxième partie :
Le mythe d’Io et l’évangile de Marie

VI – La vierge




Sommaire

Introduction

Dieu, le Sauveur et la mort

Le mythe d’Io et l’évangile de Marie
- Dieu et la vierge
- La fortunée et la
  graciée
- Le souffle et l’esprit
- Les persécutions
- Les naissances
- Les vierges
  . Io
  . Marie
- Épaphos et Jésus
- Prométhée et Siméon

Conclusion théologique


. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

Un mariage nouveau


   La virginité de Marie nous offre, elle aussi, matière à réflexion par rapport au mariage. La théologie catholique romaine voit dans l’expression de Marie « je ne connais pas d’homme » (Lc 1:34) son propos de rester vierge, comme si Marie avait fait vœu de consacrer sa virginité à Dieu. Étant donné que Marie est fiancée, puis mariée, ce vœu de virginité donnerait à son mariage une dimension nouvelle, propre au Nouveau Testament, celle d’une union entre deux êtres consacrés à Dieu, union spirituelle qui abolit toute relation sexuelle. Vierge dans la conception de Jésus, elle est restée vierge au moment de l’accouchement, de même que pendant le reste de sa vie, exprimant toujours l’idéal chrétien d’un mariage qui se réalise dans l’union spirituelle du couple.

   Pour nous, les paroles de Marie veulent dire une chose bien plus simple, c’est que Marie ne voit pas comment elle peut concevoir un enfant si, ne vivant pas encore avec son mari, elle n’a pas de relations sexuelles avec lui. Il est dommage que Marie ne puisse pas se présenter à l’ange comme le prototype de la novice qui va prononcer les vœux monastiques, mais ce n’est pas possible !
   Marie est une jeune-fille juive, dont la vie s’inspire des motifs de la spiritualité juive et biblique. Pas un mot du vœu de virginité dans la Bible où, au contraire, ce qui est normal et forme l’idéal de la femme c’est de se marier pour avoir des enfants. À plus forte raison s’il s’agit d’une jeune-fille déjà fiancée ou mariée. Il faut donc tout au contraire reconnaître chez Marie un désir tout spécial du mariage : n’est-elle pas de la descendance de David ? Les prophéties qui assuraient la perpétuité au royaume de David ne pouvaient laisser indifférentes les femmes de sa descendance, qui pouvaient bien se considérer comme appelées précisément à réaliser par le mariage la promesse de Dieu.
   La virginité de Marie-fiancée est toute pénétrée de sa future maternité : Marie est la vierge qui n’a pas horreur de l’homme et qui ne craint pas de s’approcher de lui, parce que c’est par lui qu’elle est située sur la ligne historique de la promesse. L’objection de Marie à l’ange n’est pas si bête que les théologiens et les exégètes catholiques paraissent le penser, car elle nous introduit à l’acte essentiel de l’intervention de Dieu, à savoir qu’elle sera enceinte par la Saint Esprit, et non par l’homme. La virginité de Marie a donc, comme nous l’avons dit, une signification par rapport à son enfant qui, étant prédestiné à être le fils de Dieu, doit naître d’une femme fécondée par l’Esprit de Dieu et tenue à l’écart de l’homme.
   La virginité de Marie est le fait mythique qui explique par la naissance de Jésus ce « fils de Dieu » qui a été déclaré comme tel par le baptême d’Esprit dans le Jourdain et par sa résurrection.

   Les théologiens catholiques font cependant, en étudiant la virginité de Marie par rapport au mariage, une recherche qui est théologiquement et bibliquement valable. Car il faut expliquer par l’analogie de la foi le fait qu’une situation virginale s’insère dans l’existence d’un couple. La virginité justifiée par la naissance du fils de Dieu a aussi une résonnance en ce qui concerne le couple et la valeur du mariage, et le mythe d’Io peut nous éclairer pour l’approfondissement de ce problème.
   Dans le couple biblique, la femme est soumise à une malédiction, par l’effet de laquelle elle est dominée par l’homme. Le mythe du fruit défendu dénonce tout d’abord un attentat de la part de la femme contre l’harmonie du couple. Il s’agit là probablement d’une tentative de matriarcat, permettant à la femme d’utiliser son sexe pour dominer l’homme. Par l’intervention de Dieu, la femme sera au contraire soumise à l’homme qui, par vengeance, se fait le maître et le tyran de la femme.
   Les différentes étapes de l’histoire biblique, en confiant aux hommes l’espoir du salut, ouvrent aussi à la femme une perspective de délivrance. Déjà le contrat d’achat stipulé entre les parents de la femme et le futur mari imposait une limite à la convoitise de l’homme, car il lui interdisait le rapt. S’il doit acheter sa femme, celle-ci a un prix et, par conséquent, une valeur sociale qui aura toujours du poids dans les rapports conjugaux. La femme reste cependant la propriété du mari ; bien sûr, comme toute propriété, elle sera objet de ses soins, car elle coûte cher et est aussi précieuse par ses services. Tout cela n’empêchait cependant pas que la femme fût esclave de l’homme.
   L’homme, en effet, pouvait la répudier dès qu’il le voulait, et la femme répudiée n’avait pas la possibilité, ni peut-être même le droit, de se remarier, car elle était marquée par une souillure qui la rendait méprisable aux autres hommes. Moïse, en introduisant la lettre de divorce (Dt 24:1) rend à la femme répudiée la liberté qu’elle avait lorsqu’elle était jeune-fille. La dot, elle aussi, conférait à la femme une dignité personnelle, au sens que tout en étant propriété, la femme était aussi propriétaire de son argent et de ses esclaves, pouvant ainsi exercer une fonction de maîtresse de maison toutes les fois que cette propriété était mise au service de la famille.

   Marie et Joseph expriment la situation sociale, juridique et spirituelle du couple biblique. Au moment où Dieu intervient, Marie est déjà achetée par Joseph, cependant que celui-ci n’est pas encore entré en possession de sa femme. L’intervention de Dieu peut être considérée comme un rapt, qui trouble l’harmonie légale du mariage. Le contrat est brisé au moment où il se constitue, tandis qu’homme et femme sont séparés l’un de l’autre pour s’opposer réciproquement. Le couple est désuni afin qu’homme et femme prennent conscience de leur péché, de même que des exigences véritables de leur liberté et de leur personnalité.
   En répondant à l’invitation de l’ange, Marie est appelée à une situation de révolte contre le contrat de mariage et contre son mari. Propriété de Joseph, elle est de nouveau libre de réaliser en elle une volonté qui n’est pas celle de son époux. Obligée de s’unir à son mari, elle est appelée à recevoir une semence qui n’est pas de celui-ci. Si Marie n’exprime pas comme Io son refus du mariage, elle est quand même placée dans une situation de révolte non moins bouleversante. L’anti mosaïsme du Christ est déjà annoncé à l’avance par Marie en ce qui concerne la loi du mariage (Voir étude postérieure).
   Joseph, lui, est tout d’abord l’homme de la loi, à savoir le mari qui veut dominer la femme, et qui ne conçoit l’harmonie du couple que par l’autorité de l’homme. Mais avant d’agir, il cherche à prévoir les conséquences de son légalisme, et il s’aperçoit qu’il est contraint de mettre à mort celle qu’il aime. C’est à ce moment que la miséricorde de Dieu le saisit pour lui faire comprendre la péché de l’homme vis-à-vis de la femme et qu’il est, lui Joseph, le signe prophétique de l’homme converti, de même que Marie est le signe prophétique de la délivrance.

   Marie est le signe de la femme délivrée de la domination de l’homme. Dieu l’appelle à concevoir Jésus par une invitation personnelle ; avant d’intervenir en elle, il demande en effet son consentement. Dieu lui reconnaît une personnalité parce qu’il ne la considère pas comme objet de plaisir, mais comme sujet et responsable.
   Joseph est la personnification de l’homme qui, reconnaissant son péché, accepte de s’en éloigner afin que sa femme soit présentée par Dieu dans cette même liberté avec laquelle il l’avait créée. D’injuste, l’homme, en Joseph, devient juste envers la femme, car Dieu a fait justice sur lui.

   L’évangile, comme le mythe, propose un idéal de mariage où la femme gardera toujours les valeurs personnelles de sa virginité, en les accomplissant dans la maternité. C’est pour cela que nous voyons Joseph, après la naissance de Jésus, prendre possession de sa femme, en réalisant avec elle un mariage nouveau : Joseph et Marie demeurent vierges tous les deux, parce qu’ils sont délivrés de tout esclavage ; elle est libérée de la domination de l’homme, et lui de la convoitise de la femme.



c 1960




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t920620 : 06/02/2021