RÉACTIONS SPÉCIFIQUES
Protestants et Juifs
L’hebdomadaire protestant
Réforme trouve la série «
intéressante », mais regrette qu’elle «
ne fasse pas intervenir de contradicteur : on imagine les réflexions d’un Tresmontant à propos du temps entre la rédaction des évangiles et la réalité » (
Évelyne Selles-Fischer, 20/3/97).
Claude Tresmontant est l’auteur d’une
Traduction des Évangiles et de l’Apocalypse, dans laquelle il soutient que les premières versions écrites des évangiles ont été rédigées en hébreu, et par conséquent très peu d’années après la mort de
Jésus (alors que la quasi totalité des spécialistes sont d’un avis contraire). Nous retrouverons dans
Le Figaro et
Famille Chrétienne une critique – beaucoup plus virulente – du manque de pluralisme du groupe de chercheurs invités à participer à
Corpus Christi.
Dans
Le Christianisme,
Mireille Legait-Verbregghe salue au contraire le travail de
Mordillat et
Prieur avec un tel enthousiasme qu’elle les baptiserait presque
« protestants » : «
Ils veulent scruter les Écritures – quel protestant irait [le]
leur reprocher ? » (24/3/97).
De son côté, l’hebdomadaire
Tribune juive les verrait assez bien en «
juifs » : «
Par son refus obstiné de la séduction iconique, par sa façon quasi talmudique de sonder infiniment la lettre, enfin par le postulat explicite que le cas Jésus relève moins du mystère de l’incarnation que de celui du texte... le film de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur rejoint peut-être sans y penser l’exégèse juive » (20/3/97).
Jacques Mandelbaum est d’autre part le seul commentateur, ou presque, à relever le rôle des questions (et de la questionneuse) qui – posées en voix
off par «
une capiteuse voix féminine » – «
organisent en fait la progression du film en chapitres thématiques » («
La douce voix d’Anath Benaïs, traductrice en français des réflexions des chercheurs »,
L’Alsace, 23/3/97).
L’analyse de
Mandelbaum est à rapprocher d’une déclaration de
Mordillat, qui a fait du bruit : «
L’ensemble de notre travail se situe dans une approche des judaïsmes... Claude Lanzmann a montré [dans le film
Shoah]
les conséquences contemporaines de l’antisémitisme ; nous travaillons, nous, sur l’origine de ce même antisémitisme » (
L’Humanité, 25/3/97).
Dans
Le Monde, on ne trouve que la deuxième phrase de cette déclaration (avec un mot en plus : «
l’antisémitisme chrétien » ; 24/3/97). C’est en lisant
Libération (25/3/97) que l’on peut comprendre la première phrase citée par
L’Humanité : «
Le paradoxe est que cet antisémitisme est né d’un conflit entre juifs » dit
Mordillat, qui met cela en rapport avec «
la question de la séparation à l’intérieur du peuple, la Galilée et la Judée, le Royaume du Nord et celui du Sud... problématique de la séparation constante ». D’où les judaïsmes, au pluriel.