La multiplication des pains :
L’événement miraculeux de la multiplication comme sacrement
Je viens d’affirmer que, dans
le texte des Rois, la multiplication des prémices est attribuée à
Dieu, tandis que dans
celui de
Marc elle l’est à
Dieu et au
prophète
Jésus.
Celui-ci est un homme, dans lequel le
Fils de
Dieu s’est incarné. Cette dualité d’appartenance apparaît dans l’événement de la multiplication des pains, car dans la mesure où elle vient de
Dieu,
celui-ci reste caché, comme dans
le récit des Rois. Mais venant de
Jésus, il est exprimé par des actes concrets et visibles qu’il accomplit.
Portons à nouveau un regard sur
le texte. Aussitôt que le peuple est invité à s’allonger à terre pour être prêt au repas,
Jésus accomplit sur les pains des actes signifiants : «
Prenant alors les cinq pains et les deux poissons, il leva les yeux au ciel, il bénit, rompit les pains et les donna à ses disciples pour les leur servir » (
Mc 6:41).
Soulignons ces actes dans lesquels les pains et les poissons prennent un sens en fonction du repas : ils sont bénis, coupés, donnés en morceaux aux
disciples pour être distribués au peuple. Actes qui donnent aux pains et aux poissons une valeur qui dépasse leurs limites pour satisfaire la faim de ceux auxquels ils sont donnés. Actes donc qui sont des signes des virtualités acquises par l’intervention de
Dieu à travers
Jésus. Cette virtualité reste cachée et mystérieuse dans son être, mais révélée par des actes qui la signifient.
Par leur fonction, ces signes constituent un rite. Ils sont accomplis non pour se rapporter à eux-mêmes, mais à la valeur du repas rendu possible par l’intervention personnelle de
Dieu par la médiation de
Jésus. Celle-ci suppose que
Dieu est coexistant avec
Jésus, en tant qu’il est le
Christ. Le rite ne serait donc qu’un ensemble de signes – paroles, gestes et actes – se rapportant à des valeurs venant dans l’existence humaine par
Jésus-Christ. L’intervention de
Dieu dans l’existence humaine est au-delà des limites de l’ordre de la nature.
À ce point, la compréhension du récit nous oblige à nous rapporter à un autre texte, où
Jésus emploie les mêmes signes mais dans un but tout à fait différent : «
Et, tandis qu’ils mangeaient, il prit du pain, le bénit, le rompit et le leur donna en disant : " Prenez ; ceci est mon corps ". Puis, prenant une coupe, il rendit grâce et la leur donna et ils en burent tous » (
Mt 26:26-27).
Multiplication du pain et du vin ? Non, mais nourriture de pain et de vin en signe du corps que
Jésus offre en rachat de la peine de mort que l’homme subit à cause de son péché, et de son sang répandu pour accomplir l’alliance des hommes avec
lui. Les signes sont matériellement les mêmes, mais leur signification est différente. Dans cette dernière, il s’agit de la libération de l’homme de la mort ; dans la première, de la protection de
Dieu sur la même existence humaine relativement aux besoins et aux dangers qui la menacent.
Il reste que la fonction de ces signes est de soumettre les hommes au salut opéré par le
Christ par sa mort, point ou le croyant prend conscience de l’union et de l’accomplissement de son existence, entre le commencement et la fin, par le
Christ.