Les récits de la naissance de Jésus

Un texte complexe

   Si maintenant, pour conclure, nous revenons à l’affirmation fondamentale du texte, elle nous apparaîtra aussi claire qu’elle est théologiquement complexe : « Marie… se trouva enceinte, par la vertu du Saint Esprit » (Mt 1:18).
   Les deux propositions qui la constituent n’entendent pas décrire, mais interpréter un fait, qui doit être saisi par-delà la sémantique des mots. Car il est connoté par l’impossibilité où l’écrivain se trouve de façonner Marie selon le modèle de l’héroïne du mythe, et car il est contraint malgré lui de parler d’elle à partir d’une situation de doute et de soupçon.

   Si Matthieu avait voulu décrire ce qui apparaît de la tension du texte, il aurait dû dire « Marie fut trouvée enceinte ». Ainsi, la première proposition nous montre que l’auteur a soumis le fait à un processus de réduction topique, le rendant intelligible et compréhensible selon les catégories de pensée de son époque. Mais par ce biais, il la soustrait aussi au scandale.
   La seconde proposition marque au contraire l’aboutissement d’une interprétation théologique, puisqu’elle inscrit le fait dans la catégorie de la conception virginale et dans la théologie biblique de l’Esprit.

   Selon le système de valeurs de sa culture, Matthieu ne pouvait comprendre le fait que dans le cadre d’une sublimation. Dans cette culture, le fait n’avait de valeur que s’il était signe d’une parole, par-delà les mots.