Sommaire
GENÈSE ET MÉTHODE D’APPROCHE DES RÉCITS
LECTURE DU RÉCIT DE MATTHIEU
La généalogie de Jésus
Marie trouvée enceinte
Les mages
- Une venue allant de soi
- Le schéma biblique
- Les mages
- L’étoile
- L’offrande
- Éviter Hérode
La fuite en Égypte
LECTURE DU RÉCIT DE LUC
CONCLUSION
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Les mages
Pourquoi l’étoile apparaît-elle à des mages, et qui sont ces mages ? Les mages venaient sans doute du monde perse. Ils étaient connus dans les apocalypses bibliques, mais aussi dans tout l’oikoumène de l’empire, considérés comme les interprètes des rêves et des phénomènes célestes.
Matthieu semble voir en eux la personnification de la divination, qui était la forme prophétique du paganisme. Ces personnages lui servent pour chercher à comprendre le phénomène étonnant de la conversion des païens à la foi du Christ. S’il est vrai que les païens connaissaient le Christ par les Écritures, il était aussi vrai qu’ils trouvaient dans celles-ci le sens de ce qu’ils avaient recherché par la lecture des phénomènes de la nature.
Il semblerait que Matthieu ait de l’histoire une vision qui anticipe celle de Justin. Appelés au même Christ, les païens et les juifs y sont conduits par des moyens différents, les uns par l’interprétation des oracles, les autres par la parole des Écritures. Sans doute la parole prime-t-elle sur le signe, puisqu’elle en possède le sens et le déroulement, mais les signes ont sur la parole le privilège de pouvoir en indiquer l’accomplissement. C’est pourquoi la venue du Christ se passe à la rencontre des païens avec les juifs, dont chacun joue un rôle spécifique dans la foi, les juifs en en manifestant la vérité, les païens en en indiquant les signes. Les signes ont le pouvoir de conduire les nations à rechercher la réponse à leurs interrogations auprès du peuple juif, à Jérusalem.
Les mages ne semblent avoir d’autre personnalité que celle de personnes interrogeant :« où est le roi des Juifs ? » (Mt 2:2) L’étoile leur donne la possibilité de poser la question, mais non d’y répondre : Matthieu les décrit comme des personnes humbles, qui se renseignent auprès de ceux qui savent.
Or ceux qui savent sont les juifs, les gardiens des Écritures. Il suffit de les consulter pour qu'ils répondent aux mages : « à Bethléem, terre de Judée » (Mt 2:5). Mais, fait curieux, tout en sachant ils ne voient pas. De plus, ils ne montrent même pas le désir de voir, puisqu’ils ne croient pas qu’il y ait des signes de l’accomplissement des temps.
Tout l’enjeu du récit se fonde donc sur la tension entre le voir des uns et le savoir des autres. La solution dépend de l’attitude des personnages : les mages parviennent au Christ parce qu’ils ont cherché à savoir, les juifs par contre demeurent dans leur nuit parce que, satisfaits de leur savoir, ils ont refusé de suivre les mages pour voir.
L’étoile se dérobe aux regards des mages, comme si elle avait changé de direction pour suivre une trajectoire ignorée dans les espaces célestes. Mais ce n’était qu’une éclipse, qui affecte moins l’étoile que les mages. Prétexte littéraire imagé qui met en évidence le clair-obscur du rôle historique joué par le peuple juif et les païens car, quoique chacun ait eu son propre langage – l’un par la parole, l’autre par les signes – ils demeurent tous deux dans l’obscurité s’ils ne parviennent pas à se rencontrer et à s’éclairer réciproquement. L’éclipse devient ainsi l’image de la nuit propre à la division et de la séparation.
Lorsque l’étoile réapparaît, elle est inchangée. Ce sont les païens et les juifs qui changent puisque ces derniers se renferment dans leur savoir pour ne pas voir, cependant que les païens s’ouvrent aux Écritures pour voir et, en voyant, reconnaître l’événement au travers du signe.
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