Sommaire
La foi au Christ ressuscité
Le Christ est ressuscité
Les apparitions d’anges aux femmes
- Introduction
- Chez Marc
- Chez Matthieu
- Chez Luc
Les apparitions «privées» de Jésus
Les apparitions de Jésus aux Onze
La structure des textes évangéliques
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Selon l’évangile de Marc
Ce qui caractérise le récit de Marc, c’est que, au moment où les femmes entrent dans le tombeau, elles voient « un jeune homme assis à droite, vêtu d’une robe (stola) blanche » (Mc 16:5).
Nulle part ailleurs dans les Écritures on ne trouve d’ange apparaissant sous forme d’un « jeune homme » ; nulle part non plus, on ne trouve d’apparition « vêtue d’une robe blanche ». d’où Marc a-t-il donc tiré cette image, et pourquoi a-t-il choisi précisément celle-ci pour construire sa scène de la découverte de la disparition du corps du tombeau ?
Nous pensons que l’appendice que l’école de Marc a ajouté à la narration de l’évangéliste peut nous éclairer sur ce point. En effet, bien que postérieur à Marc, ce passage exprime la théologie propre aux Églises « galiléennes », dont la prédication et la catéchèse ont inspiré cet évangile. La preuve en est que, dans ce récit, le baptême tient la place centrale or nous savons que, pour ces Églises, il est le critère qui montre l’authenticité de la prédication comme celle de la foi : « celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné » (Mc 16:15). La prédication doit aboutir à la foi, et celle-ci est preuve de l’efficacité de celle-là. Mais le lieu, pour ainsi dire, où la foi s’affirme et se manifeste, est le baptême. Il ne suffit pas de croire : on ne peut parler de foi que dans la mesure où celle-ci est signifiée par le baptême dans l’Église.
Cette affirmation, qui est au centre de toute une théologie, nous donne la possibilité d’étudier l’apparition de l’ange aux femmes dans le cadre du baptême, car c’est précisément à cette affirmation que l’ange nous renvoie en disant : « mais allez dire à ses disciples, et notamment à Pierre, qu’il vous précède en Galilée : là vous le verrez » (Mc 16:7). Or c’est justement au moment où cette prophétie de l’ange se réalise – à savoir lorsque Jésus apparaît à ses disciples en Galilée – que le Seigneur prononce lui-même les paroles concernant le baptême que nous venons de citer.
Le baptême peut donc servir de cadre à notre étude, en ce sens qu’il nous offre une hypothèse à partir de laquelle une recherche est possible.
Lorsque, chez Marc, les fils de Zébédée, Jacques et Jean, demandent à Jésus de leur accorder de siéger l’un à sa droite, l’autre à sa gauche, dans sa gloire, Jésus leur répond : « Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire et être baptisés du baptême dont je dois être baptisé ? Ils lui répondirent : « nous le pouvons ». et Jésus leur dit : « la coupe que je dois boire, vous la boirez, et le baptême dont je dois être baptisé, vous en serez baptisés ; quant à siéger à ma droite et à ma gauche, il ne m’appartient pas de l’accorder : c’est pour ceux à qui cela est destiné » (Mc 10:35-40).
La mort de Jésus est présentée, ici, d’avance, par rapport au baptême, et le baptême donné comme participation à la mort de Jésus. Il faut remarquer que Marc est le seul à associer le baptême et la coupe : dans le passage parallèle de Matthieu, par exemple, il est uniquement question de la coupe ( Mt 20:20-23). Cela confirme notre opinion que la théologie sous-jacente à l’évangile de Marc est une théologie baptismale, en ce sens que l’œuvre du salut en Jésus-Christ est considérée comme s’accomplissant par le baptême.
Nous trouvons cette théologie du baptême tout-à-fait définie chez Paul : « Ou bien ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés ? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême, dans sa mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle » (Rm 6:3-4). Le baptême n’a de signification que dans la mort et dans la résurrection de Jésus. L’immersion dans l’eau signifie l’ensevelissement avec lui dans sa mort, l’émersion représente la résurrection avec lui dans une vie nouvelle.
Cette même pensée est exprimée également par Pierre (1 P 3:31).
Étant donné que, pour Marc, le baptême n’est rien d’autre que la manifestation de la mort et de la résurrection de Jésus dans le renouvellement de l’homme qui croit en lui, l’hypothèse d’étudier l’apparition de l’ange aux femmes par rapport au baptême se trouve, à notre avis, fondée et éclairante.
Selon nous, donc, Marc raconte la découverte que le tombeau est vide en l’expliquant par le rite du baptême. Cette hypothèse rend très bien compte du fait que cet ange que les femmes voient se présente comme un « jeune homme », vêtu d’une « robe blanche ». La robe blanche, en effet, rappelle celle dont on recouvrait, après leur sortie de l’eau, les catéchumènes qui, ainsi vêtus, étaient placés à la droite du baptistère. Cette scène liturgique est dépeinte dans l’Apocalypse, après l’ouverture du sixième sceau, dans la vision du ciel. Un des vieillards, voyant les martyrs vêtus d’une « robe (stola) blanche » (Ap 6:11), demande : « Ces gens-là, vêtus d’une robe blanche, qui sont-ils et d’où viennent-ils ? », à quoi il lui est répondu : « Ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, le servant jour et nuit dans son temple » (Ap 7:13-15). Il s’agit là du baptême de sang, vu à travers la signification du baptême d’eau. D’ailleurs le texte affirme plus loin que l’agneau « les conduira aux sources d’eau vive » (Ap 7:17).
Le jeune homme représente à la fois le Christ lui-même, en tant qu’homme nouveau, et le chrétien, en tant qu’homme renouvelé par le baptême dans la mort et la résurrection de Jésus. Il est jeune parce que le vieil homme est mort avec le Christ (Rm 6:6) ; il est vêtu de blanc pour signifier en même temps le pardon des péchés et la gloire eschatologique réalisée par la résurrection et exprimée par le baptême. Si Marc opère ce transfert liturgique dans l’apparition d’un ange plutôt que dans celle de Jésus, c’est parce que le baptême est pour lui la source de toutes les manifestations du Ressuscité à travers les charismes de l’Église, de la même façon que l’annonce faite par les femmes aux apôtres peut être considérée comme la source de la foi au Christ ressuscité, qui aboutit à la manifestation de celui-ci aux Onze.
Cette recherche à propos de l’origine de cette image de Marc peut aussi nous amener à une autre hypothèse, par laquelle on pourrait relier ce « jeune homme » qui apparaît aux femmes à celui dont Marc parle à l’occasion de l’arrestation de Jésus : « Un jeune homme le suivait, n’ayant pour tout vêtement qu’un linceul (sindone) et on le saisit ; mais lui, lâchant le linceul, s’enfuit tout nu » (Mc 14:51). On peut penser qu’il s’agit ici d’un fait historique, et que c’est assez caractéristique de Marc de rapporter les événements dans leur détail. Mais on peut aussi avoir des raisons de considérer ce fait comme, au contraire, tout à fait symbolique. Et même si c’est un fait réel, ce n’est qu’en raison de sa signification dans le cadre de la mort et de la résurrection de Jésus qu’il est relaté.
Le « jeune homme » qui « suivait Jésus », après que les disciples l’aient quitté, est, en effet, le symbole de Jésus lui-même, qui va à la mort : il est saisi (Mc 14:49-51) comme lui et, tout en étant encore vivant, il porte déjà sur lui les signes de la mort, ce linceul qui couvre son corps nu. Ainsi vêtu comme un cadavre, il exprime aussi Jésus mort ; enfin le geste par lequel il échappe à ses ravisseurs, ne laissant entre leurs mains que son linceul, symbolise l’événement par lequel Jésus, après avoir été saisi, crucifié et enterré, échappera à ceux qui l’ont mis en croix et à la mort elle-même d’où il sortira, vivant et renouvelé, ne laissant au tombeau que les signes de sa défaite.
Il ne serait donc pas étonnant de retrouver ce même « jeune homme » au moment de la résurrection, non plus revêtu du linceul de la mort, mais de la « robe blanche » propre à la gloire et à la nouvelle humanité : il est l’homme ressuscité. Symbole de Jésus, il est aussi image de celui qui suit Jésus, à savoir de son disciple qui, en mourant avec lui dans le tombeau, ressuscite en une nouvelle vie par sa résurrection (Mc 8:34-35).
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