Sommaire
La foi au Christ ressuscité
Le Christ est ressuscité
Les apparitions d’anges aux femmes
Les apparitions «privées» de Jésus
- Introduction
- Selon Matthieu
- Selon Luc
- Selon Jean
. Jésus et Marie
. Inspiré par le Cantique
Les apparitions de Jésus aux Onze
La structure des textes évangéliques
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L’apparition à Marie chez Jean :
Jésus et Marie
Le quatrième évangile cherche à composer les conceptions opposées de Matthieu et de Luc en ce qui concerne le service des femmes et le témoignage des hommes dans l’annonce de la résurrection.
Selon Jean, Marie de Magdala, arrivant au tombeau, s’aperçoit qu’il est vide ; sans avoir eu aucune vision et fort éloignée de croire que Jésus est ressuscité, tant elle est sure que le corps a été volé, elle va avertir les apôtres. À cette nouvelle, Simon et l’autre disciple se rendent à leur tour au tombeau et, à la vue des bandelettes, ils croient. Le premier témoignage de la résurrection vient donc d’hommes, de la foi de Pierre et de Jean. Cependant, lorsque les deux disciples sont repartis, Jésus apparaît à Marie. C’est donc à une femme qu’il apparaît en premier, comme chez Matthieu, mais cela n’enlève pas aux hommes la primauté dans la foi.
Cependant, si elle concilie les deux tendances, l’apparition de Jésus à Marie de Magdala révèle surtout l’optique, tout à fait différente, du quatrième évangile. En effet, la première apparition n’est pas seulement le privilège de la gent féminine, mais celui d’une femme, Marie, dont la personnalité ne trouve pas d’égale dans tout l’évangile.
Le quatrième évangile nous avait d’ailleurs préparés à cela : maintes fois il nous a présenté Jésus en conversation directe et intime avec des femmes. Ce fait, Jean a voulu le souligner expressément lorsqu’il affirme que les disciples, trouvant Jésus en conversation avec la Samaritaine, « étaient surpris de le voir parler à une femme » (Jn 4:25). Comme avec cette Samaritaine, Jésus parle avec Marie, sa mère, aux noces de Cana (Jn 2:2-12), avec la femme adultère ( Jn 8:2-11), et surtout avec Marthe et Marie (Jn 11:1-43 ; 12:1-5). Mais de toutes, c’est cette Marie-là qui est la personnalité féminine la plus proche de Jésus : par son âme, en effet, le quatrième évangile nous présente un Jésus intime, inconnu ou presque de la tradition synoptique.
Tandis que les autres évangiles placent, en général, Jésus en face d’hommes pour nous faire saisir sa personnalité messianique « extérieure » (sa personnalité de prophète législateur « puissant en œuvres et en paroles »), le quatrième évangile, sans renier cet aspect « extérieur » de sa personnalité, découvre aussi la profondeur de son âme. Or c’est surtout lorsque Jésus est en face de Marie que cette profondeur se dévoile : c’est Marie qui, par les manifestations de son amour, l’arrête dans sa marche, l’entretient, lui fait prendre conscience de ses sentiments d’amitié ; c’est elle qui le fait parvenir jusqu’à l’émotion et aux larmes, elle qui lui fait sentir, sous la douceur de ses mains et le parfum de ses onctions, l’abandon de la mort. C’est Marie qui révèle aux hommes qu’au-dedans de ce prophète révolutionnaire se cache un cœur d’homme, qui aime les siens jusqu’au don total de lui-même.
Il est donc évident que Marie a un rôle à jouer au moment de la résurrection : présente lors du ministère de Jésus en Galilée, témoin presqu’unique de cette mort qu’elle avait pressentie, elle est maintenant aussi le premier témoin de son enlèvement et la première à le voir dans sa gloire. Mais, même dans cette gloire, Jésus restera toujours l’homme de l’intimité, car au lieu de se faire connaître par le tonnerre et par l’éclat de sa puissance, il préfèrera se manifester à Marie, comme il l’avait toujours fait pour elle, à travers une relation d’amour.
Mais si Jean fait réapparaître Marie de Magdala sur la scène de la résurrection, c’est aussi pour dépasser l’hypothèse que le corps de Jésus a été volé. En effet, après lui avoir fait jouer, auprès des apôtres, le rôle d’ange annonçant la disparition du corps, il la place devant le tombeau vide, incrédule, convaincue qu’il y a eu vol, alors même que Pierre et l’autre disciple croient déjà au Ressuscité.
Peut-on trouver meilleure preuve de la réalité sociologique de cette hypothèse : écrit un siècle après les événements, l’évangile de Jean veut faire comprendre qu’elle trouble encore les esprits à l’intérieur d’Églises qui peuvent pourtant se considérer comme affermies dans la foi au Christ ressuscité ?
Jean n’a pas peur d’affronter ce problème ; il n’a pas besoin de passer cette hypothèse sous silence, comme Luc, ou de faire appel pour la réfuter au miracle, comme Matthieu, car sa théologie est fondée sur la distinction entre le réel de la foi, l’esprit, et le réel des sens, la chair. Ainsi l’hypothèse du vol n’atteint que l’apparence, sensible et charnelle, de la résurrection, alors que le Ressuscité est, lui, de l’ordre de l’esprit.
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