ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


Auteurs Méthode Textes
Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris


Art et poésie des natures mortes de Morandi





Dans le sillage de Cézanne


Sommaire

Présentation

Dans le sillage de Cézanne
- La référence à Cézanne
- Les valeurs plastiques
- La peinture métaphysique
- La première période
- La seconde période
- L’œuvre de Morandi et la
  peinture moderne

L’esthétique de l’art de Morandi

Dans l’ascétisme de François d’Assise




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

La peinture métaphysique


   Je m’arrête sur les natures mortes afin de suivre en elles ce processus de création. Je refais mentalement le tour de ma visite de l’exposition (1), considérant la classification des œuvres selon leur chronologie et m’arrêtant à celles que j’ai trouvées les plus signifi­catives en lien avec ces principes d’esthétique.

   Un tableau me frappe aussitôt par l’abstraction de ses formes.

   Trois objets : une pipe, la tête d’un mannequin de femme, une bouteille reposant sur une boîte. Une lumière vive et diffuse les investit sans violence, projetant leur ombre sur la paroi éclairée comme sur un écran ensoleillé. Ce n’est pas de la peinture abstraite, puisque les objets sont réels, mais ils échappent aux lois physiques. En effet, ils semblent n’avoir ni pesanteur ni solidité, ni posséder d’énergie. Ce sont des corps métaphysiques.


Nature morte 1918



   Ce tableau date de l’année 1918, quand Morandi était parvenu au seuil de sa maturité, et collaborait avec de Chirico et Carrà dans le cadre de la peinture métaphysique. Dans celui-ci, Morandi atteint un niveau artistique qui n’a rien à envier à celui de ses aînés : il se mesure à eux dans la peinture qui leur est propre. Mais quelle différence avec les natures mortes de de Chirico !
   En effet, celui-ci peint des objets si hétérogènes que leur assemblage ne trouve pas de justification dans l’ordre des choses et apparaît comme un non-sens. En regardant le tableau, on subit un choc, qu’on surmonte si on découvre une raison subjective qui répond à notre surprise. La disposition des formes n’a pas de sens, mais l’esthétique du tableau repose précisément sur le non-sens qu’il objective. Donc, art métaphysique parce qu’il est au-delà de l’expérience. Encore faut-il ajouter que le peintre accentue ce non-sens en ôtant des objets tout ce qui pourrait les rendre cohérents. On trouve des mannequins à la place d’hommes, ou des places entourées d’édifices qui reproduisent de façon irréaliste des monuments romains en ruine, ce qui est mis en évidence par les vides des arcs et par des trous. Le défaut de sens objectif est suppléé par un sens subjectif d’angoisse.
   Sans doute la valeur artistique de ces tableaux est-elle grande parce que l’objet n’existe qu’au niveau de la peinture. Il n’en demeure pas moins que la métaphysique de la peinture n’est qu’un jeu rhétorique.

   Cette nature morte de Morandi représente aussi des objets hétérogènes : un mannequin, une pipe et une bouteille. Mais le peintre n’exploite pas cette hétérogénéité par une ruse rhétorique pour créer une situation métaphysique. Au contraire, il l’exprime en mettant en valeur l’unité de l’être qui sous-tend la diversité des objets. Ceux-ci sont peints plus par leur qualité « d’étants » que d’individus d’une espèce. Plus le peintre définit leur forme et met en évidence leur individualité, plus il manifeste l’unité de l’être qui le diversifie. Cette nature morte unit les objets par une raison d’être objective et méta­physique, et non par une ruse rhétorique comme chez de Chirico.

______________

(1) Giorgio Morandi :
     Fondation
Dina Vierny, Musée Maillol et Union Latine,
     
Paris, 1996.   Retour au texte




avril 1997




Retour à l'accueil Les valeurs plastiques Haut de page La peinture formalisante      écrire au webmestre

t281300 : 12/04/2020