Sommaire
Présentation
Dans le sillage de Cézanne
- La référence à Cézanne
- Les valeurs plastiques
- La peinture métaphysique
- La première période
. Peinture formalisante
. Lumière transfigurante
- La seconde période
- L’œuvre de Morandi et la peinture moderne
L’esthétique de l’art de Morandi
Dans l’ascétisme de François d’Assise
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La première période : la peinture formalisante
Si Morandi était resté fidèle aux principes de cette esthétique (1), il aurait conduit la peinture métaphysique à son sommet et à sa perfection. Mais il l’a abandonnée, comme plus tard de Chirico et Carrà eux-mêmes, mais pas pour les mêmes raisons. Probablement que leur inspiration s’était tarie, Morandi, lui, l’a laissée parce que cette forme ne correspondait plus tout à fait à son inspiration ; peut-être aussi a-t-il été poussé par son attachement à Cézanne.
Dans sa peinture métaphysique, les volumes ne représentent des corps que comme supports d’une forme qui les dépasse. Or, dans sa visée, il recherchait une forme immanente au corps, qui l’actualise en elle. Il considérait que l’être, objet de la peinture, ne réside pas seulement dans la matière ou dans la forme, mais dans l’union de la matière et de la forme. « L’étant » est la matière dans son actualisation dans l’être par la forme.
J’ai donc regardé les tableaux de la première série, qui vont de la jeunesse de l’auteur à la fin de 1930.
Dans ces tableaux, il prend presque toujours comme modèles des bouteilles ou des pots hors d’usage, bref des objets de rejet. Or, sur la toile, il leur donne une figure bien définie, aux formes raffinées et parfaites. Ce sont des êtres recréés : rejetés, ces objets se présentent maintenant lumineux au regard, dans un ensemble ordonné et harmonieux. Sans essence et voués au néant, ils existent dans l’être. On leur refusait une place parmi les choses du monde, ils se trouvent ici dans un espace qui leur appartient.
La lumière les délivre du coin obscur où ils gisaient, pour les offrir au regard comme des nouveaux-nés. Elle les investit en chassant d’eux l’ombre de la mort. On ne peut que les contempler puisqu’ils ne peuvent pas se cacher à nos regards. Ils se dévoilent dans leurs volumes et dans la couleur chaude de leurs surfaces comme de ravissantes baigneuses sur la plage au bord de la mer : la lumière éclate sous les couleurs.
On les regarde avec ravissement car ils n’existaient pas et ils adviennent, et le plaisir de les retrouver si beaux touche au plus profond de l’être. Ils sont comme hors du temps et seuls, dans un espace qui ne s’ouvre qu’à des formes pures.
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(1) Voir. 
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