ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La résurrection de Jésus



Fiction dramatique en huit actes






ACTE  PREMIER :

Le  tombeau  vide


Le jardin du tombeau de Joseph, ceinturé de figuiers de Barbarie. Quelques cyprès et un grenadier. Un rocher, à gauche, sur lequel grimpe du jasmin, où on a creusé le tombeau. Autour, du myrte en fleur. À droite, une verrière le long d’un rocher.





Ils ont vu... et ils ont cru

Avant-propos

Le tombeau vide
- Scène 1
- Scène 2
- Scène 3
- Scène 4
- Scène 5
- Scène 6

Signes et apparitions

Pilate enquête sur le vol du corps de Jésus

L’apparition du ressuscité aux disciples

Du tombeau vide à l’holocauste

Les Écritures et le Christ

Jésus

Le Fils de Dieu incarné ?


SCÈNE DEUX


(Les mêmes, Jésus)




MARIE

(Elle marche lentement, regardant alentour, com­me dans un rêve).

– Mon fils, dans un jardin !... Après l’avoir chassé de ville en ville, de synagogue en synagogue, jus­qu’à ce
qu’il ne puisse plus vivre que dans le ma­quis, les Juifs l’ont tué pour l’emprisonner dans un tombeau de riches ! Je peux donc venir visiter son tombeau comme une privilégiée... Faire un tour dans le jardin, cueillir une fleur pour la déposer au seuil de la pierre... Mais je ne pourrai pas entrer, embaumer son corps, essuyer les dernières gouttes de sang sur ses blessures. (Tournant le regard vers la droite). Je reste encore loin de toi, mon fils, tandis que ton sang coule dans mes veines ! Mais je ne suis pas venue pour cela. À d’autres incombera cette tâche ! Je viens pour m’approcher de ton âme, te dire ce que je ne t’ai jamais dit, t’apporter mon témoignage de mère avant que tu partes... Mais où es-tu ?

(Elle tourne autour, à droite et à gauche comme pour le chercher, elle disparaît et réapparaît alternativement).


SALOMÉ

(Regardant
Marie avec tendresse).

– Elle pense à toi,
Maria, comme si elle ne voulait pas te remplacer dans le rôle que tu dois jouer pour lui...


MARIA

(Tristement).

– Je commence à douter de pouvoir accomplir mon onction... (
Salomé se serre dans ses bras).


MARIE

– Je suis fatiguée de te suivre,
mon fils ! Depuis deux jours tu erres dans ce jardin, attendant que Dieu décide si tu retrouveras ton corps, ou si tu iras dans les limbes parmi tes pères... Mais, peut-être, Dieu ne voudra-t-il pas t’envoyer vers nos pères, parce que tu ne trouverais pas asile auprès d’eux.
   
Tu es né sans père ! Tu as germé d’une semence étrangère, jetée dans mon sein par tromperie. Je cherchais à te cacher sous mon apparence de vier­ge, mais la grossesse m’a trahie. Je ne fus qu’une vierge trouvée enceinte ! Mon nom résonnait com­me une sombre nouvelle aux oreilles des gens, et j’ai dû m’enfuir dans les montagnes de Juda pour échapper à la lapidation.
(Se tournant à droite, vers l’ombre de son fils).
   Et j’ai accouché de
toi dans la campagne, par une nuit où la lune, se voilant sous les nuées, me cou­vrait de son ombre alors que se taisaient les hiboux. Et je t’ai exposé dans la crèche d’une ferme en murmurant « Iéchoua » : « que Dieu te sauve ! ». Alors les bergers t’ont trouvé, accueilli comme un enfant de Dieu, et emporté avec eux au loin, en Égypte avec leurs moutons...
   Mais je ne suis pas venue te raconter cela, mon fils. D’autres faits ont troublé mon esprit, et je vou­drais t’ouvrir mon cœur. Reste encore près de moi, même si je ne peux te voir.

(Elle lui tend la main, l’invitant à s’asseoir avec elle sur une planche. Profondément émue, elle pleure et couvre son visage de ses mains).


SALOMÉ

(Se détachant des bras de
Maria).

– Oh !
Maria, je ne savais pas ! C’est boule­versant ! J’imaginais la naissance de Jésus de façon miraculeuse... par la parole de Dieu, au vol d’an­ges !


MARIA

– Et non ! Elle est venue de façon douloureuse, pour ne pas dire tragique.


SALOMÉ

– Oui, tu as raison... Il faut aller vers elle, pour ne pas la laisser seule...


MARIA

– Non,
Salomé.... Elle n’est pas seule, son fils est près d’elle, en témoin de sa naissance, de sa vie et de sa mort... Elle signe son témoignage sous le sceau d’une vie vouée à la mort, pour le salut de son fils. Ne violons pas leur rencontre... (Elles s’ef­facent dans les buissons).


MARIE

(L’aube pointe.
Marie essuie les larmes de son visage).

– J’ai revécu les faits qui m’avaient éloignés de toi,
mon fils, et je ne voudrais pas que leur souvenir te fasse souffrir. Notre vie en famille, avec moi et tes frères, t’interdisait de revendiquer la légitimité des fils d’Abraham. Quel était ton Dieu, si tu n’apparte­nais pas à la génération légitime ?
   Mais un jour les prophètes t’ont fait comprendre que ton Dieu était précisément celui d’Abraham, et qu’il t’avait choisi pour être prophète, toi aussi ! Et tu as quitté la famille pour accomplir ta mission prophétique, mais nous n’en avons pas eu conscien­ce.
   Restés seuls, privés de ton aide morale et éco­nomique, nous avons pensé que
tu étais frappé de folie à cause de l’impossibilité d’échapper à ta con­dition illégitime : soumis par la Loi à la malédiction de Dieu jusqu’à la septième génération, tu ne pou­vais engendrer que des enfants bâtards ! Et nous sommes allés te chercher à Capharnaüm, pour te ramener à la maison, convaincus que tu étais fou.
   Mais quand on est venu te dire que ta mère et tes frères t’attendaient, tu as répondu par une interro­gation qui m’a anéantie : « Ma mère ! Qui est ma mère ? Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est ma mère et mon frère et ma sœur ! ». Oui, c’est vrai, je n’avais pas reconnu que tu avais retrouvé ta légitimité en Dieu, qui s’est offert à toi comme le Père, mais tu m’as dépossédé de la maternité, de t’avoir enfanté et de t’avoir sauvé de la lapidation. Tu as rejeté loin de ta conscience le beau mot de « mère » ! Je n’étais qu’une prostituée, « vierge trouvée enceinte », comme les gens disaient de moi, par mépris et sarcasme. Dois-je accomplir la volon­té de Dieu pour devenir mère, ou ai-je fait la vo­lon­té de Dieu parce que j’étais mère » ? (Elle pleure et pousse des cris de lamentation).
   Oui, je suis devenue comme l’ombre de moi-mê­me. Et comme une ombre, j’ai toujours cherché à te suivre, à l’écoute de tes messages, dans tes erran­ces, dans l’occupation du temple, dans les villes comme dans le maquis, dans ton procès comme dans ta mort... Absente à tes yeux, tandis que tu étais présent aux miens... (Jeu de lumière, pendant lequel Jésus prend forme d’homme).
   Pour moi,
Jésus, tu as repris ton corps... Pour me convaincre que je suis bien ta mère 


JÉSUS

– Mère !


MARIE

– Va, mon fils, vers
Dieu, en suivant la trajectoire du soleil, et... dis à ton père que ta mère « a fait sa volonté ! »

(Jésus disparaît. Marie le suit du regard, et sort du jardin).




Écrit en 2005




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t341020 : 19/03/2020