SALOMÉ
(Sortant des buissons et courant après Marie).
– Marie, arrête-toi !
MARIA
– Salomé, que fais-tu ? Pourquoi prétends-tu empêcher cette rencontre de s’accomplir ?
SALOMÉ
– Il y a du nouveau et nous devons savoir quoi faire !
MARIA
– Pourquoi sommes-nous venues ici, Salomé ? N’est-ce pas pour oindre le corps de Jésus ?
SALOMÉ
– Mais il n’est plus dans le tombeau !
MARIA
– Comment peux-tu le savoir ?
SALOMÉ
– N’as-tu pas vu et entendu ? Jésus est apparu à sa mère avec son corps !
MARIA
– Certes ! Mais as-tu vu son corps ?
SALOMÉ
– Non.
MARIA
– Moi non plus ! C’est une vision, Salomé... Je crois qu’elle a vraiment vu son corps, mais nous, non ! Nous sommes tenues d’accomplir notre mission. La vision avait pour but de rappeler à Marie que Jésus la reconnaissait comme sa mère, et qu’il était toujours son fils. Notre tâche demeure.
SALOMÉ
– Oui, il faut que je m’en persuade... Mais qui roulera la pierre ?
MARIA
– Oh ! Sans doute, la pierre aura déjà été roulée. L’aube pointe... (Elles prennent les baumes et s’approchent du tombeau).
MARIA et SALOMÉ
– Il est ouvert ! Il est ouvert !
(Elles entrent dans le tombeau, mais en sortent subitement en criant).
MARIA
(En pleurant).
– Il est vide... On l’a emporté !
SALOMÉ
– On l’a volé ! Fuyons ! Fuyons ! J’ai peur !
(Elles viennent au centre de la scène).
MARIA
– Je suis convaincue qu’il a été emporté par le jardinier.
SALOMÉ
– Pour quoi faire ? Le corps de Jésus n’était-il pas dans un tombeau sûr, dans un jardin privé et bien gardé ? Ne m’as-tu pas dit que Joseph avait donné l’ordre de préparer le corps pour son onction ? Le changer de place, mais pourquoi ? Non, Maria, le corps a été volé.
MARIA
– Mais par qui ?
SALOMÉ
– Par les Juifs, Maria. Je suis convaincue de ce que tu as dit : les Juifs n’ont pas accepté que le Procurateur ait concédé à Joseph d’enterrer Jésus dans son tombeau. Pour eux il était un criminel... un corps à jeter dans la fosse des maudits, aux ordures et non dans le tombeau d’un riche, membre du Sanhédrin.
MARIA
– J’aurais souhaité ne pas le croire, mais tu m’en persuades... Pourtant, je ne suis pas encore convaincue... Toutefois, c’est possible... Ne perdons pas de temps. (En réfléchissant). Écoute, Salomé, va chez les frères pour leur annoncer la triste nouvelle, tandis que moi je reste ici, en espérant rencontrer le jardiner... Il va bien venir dans son jardin.
SALOMÉ
– J’irai aussi chez Joseph, puisque le tombeau lui appartient, donc aussi le corps, car c’est à lui qu’il a été donné.
MARIA
– Oui, tu as raison. Et s’il y a eu crime, il lui revient de porter plainte auprès du Procurateur.
SALOMÉ
(Embrassant Maria).
– Au revoir, Maria, mais je reviens vite, car j’ai peur que les Juifs ne soient les responsables du vol.
(Elle s’en va en courant).
MARIA
(Elle la suit du regard. En se retournant, elle voit le grenadier non loin et s’en approche. Il est en fleurs. Ravie de sa beauté solitaire et sauvage, sous le coup de l’émotion, elle chante).
Sous tes branches couronnées de baies
Rouges en fleurs,
Que la brise du matin caresse
Et l’aurore enflamme
Pourrais-je me reposer,
Grenadier solitaire ?
J’aurais l’illusion d’avoir attendri
Le corps taché de sang de Celui que j’aime,
Mes mains veloutées de baume
Au parfum de jasmin.
(Elle s’assied au pied de l’arbre, se détend et doucement s’endort).