La résurrection de Jésus

SALOMÉ
(En courant, du seuil du jardin).

– Maria, Maria !

MARIA
– Oh Salomé... quelle surprise !

SALOMÉ
(Embrassant Maria).

– Je me suis fait du souci pour toi, car tu n’es pas rentrée de suite à la maison.

MARIA
– Pourquoi ce souci ? J’attendais le jardinier.

SALOMÉ
– Tu l’as rencontré ?

MARIA
– Oui... et devine qui c’était ?

SALOMÉ
– Je n’en ai pas la moindre idée.

MARIA
– Jésus ! Évidemment, j’ai vu un autre homme ! Bref, un jardinier, embaumant du parfum des fleurs. Mais dès qu’il m’a appelée, il a repris la physionomie de Jésus, celle-là même qu’il avait lors de l’onction dans la maison de Simon.

SALOMÉ
– Quel bonheur !

MARIA
– Il ne m’a pas permis de le toucher ! Était-il ressuscité, ou simplement esprit, et si je l’avais touché, mes mains auraient brassé du néant ? A-t-il voulu m’épargner la déception d’une illusion ? Me livrant à mes souvenirs, j’ai eu la certitude qu’avec les parfums et les arômes je devais accomplir un sacrifice d’action de grâces.

SALOMÉ
– Bonne idée ! Étonnante !

MARIA
– Écoute ! Après avoir répandu le baume sur le sol où Jésus m’est apparu, à mon signe, tu y verseras le parfum. Et moi, en frottant une pierre sur l’autre, je ferai jaillir l’étincelle.

(Maria avance de trois pas, et du doigt trace un cercle sur le sol).

  C’est ici que Jésus m’est apparu.

(De son sac, elle sort d’abord les deux pierres et les pose à terre, à son côté ; ensuite le flacon de baume, qu’elle serre dans la main gauche, enfin la fiole de parfum, qu’elle donne à Salomé. À genoux l’une et l’autre, Maria étale doucement mais fermement le baume sur le cercle et se lève).

  Le parfum, Salomé !

(Salomé répand le parfum, tandis que Maria prend les deux pierres et les frotte brusquement l’une contre sur l’autre, jusqu’à ce que l’étincelle jail­lisse en tombant sur le baume. Une flamme s’élève vers le ciel, en forme de cœur. Maria suit du regard la fumée qui monte, et se lève).

Pécheresse par passion d’amour,
Je suis tombée à genoux à tes pieds
Poussiéreux.
Je les ai baignés de mes larmes,
essuyés avec la soie de mes cheveux.

À ceux qui se scandalisèrent de moi,
Tu as assuré que je t’avais oint
Pour ta sépulture.


Unie en mariage avec toi
J’ai étalé mon baume sur ta peau asséchée
Lors de tes marches d’errant,
Versé le parfum sur tes cheveux
Ensoleillés.
Mon onction ne fut cependant qu’une métaphore
Vivante de cette alliance
Que Dieu avait rompue avec les fils d’Abraham
Pour la conclure à nouveau
Avec les ils de l’homme !


Allée à ton tombeau oindre
Une fois encore ton corps,
Tu ne gisais plus sur la dalle froide
En attente de l’onction sacrée.


Quand tu m’apparus
Je courus vers toi avec mes baumes,
Mais tu n’as pas permis que je te touche,
Pour poursuivre vivant
le chemin de ton retour à Dieu.


Mon sac garde mes arômes
Et mon cœur le sentiment d’amour.
Que dois-je faire de mes parfums,
À qui pourrais-je donner mon cœur ?


Brûlez en sacrifice propitiatoire
De mon amour pour Jésus,
Ô arômes,
Afin que Dieu en répande le parfum sur les hommes.
Il les a faits à son image et à sa ressemblance
Pour qu’ils deviennent partenaires de la nouvelle
Alliance d’amour.
Dont nous étions parabole vivante.

(Salomé se lance pour embrasser Maria et elles restent toutes deux embrassées, regardant la fumée du sacrifice monter vers le ciel).

RIDEAU