JACQUES
(Présentant Cléopas à Pierre et Jean).
– Frères, je vous présente Cléopas, dont vous avez entendu parler et qui a eu la grâce de voir le Seigneur.
(Cependant que Pierre et Jean embrassent Cléopas, il s’approche de Maria et l’embrasse, lui disant cependant tout bas) :
Rabats ton voile, car c’est pour toi un étranger... Je te le dis, parce que le Seigneur, mon frère, m’est apparu et m’a recommandé de prendre soin de toi.
MARIA
– Moi aussi j’ai vu le Seigneur, Jacques, et j’étais dévoilée. Or, non seulement il ne m’a pas fait de reproches, mais il m’a regardée avec complaisance.
JACQUES
– Même ressuscité, le Seigneur mon frère a pour toi des sentiments de faiblesse !
JEAN
(Présentant Cléopas à Maria).
– Voici, Maria, celui qui, comme toi, a vu Jésus. Je lui ai raconté son apparition.
CLÉOPAS
(S’inclinant courtoisement).
– J’étais ému en l’entendant. C’est la première apparition, par laquelle le Ressuscité a voulu commencer sa nouvelle vie !
MARIA
– Il s’agit plutôt d’un « au revoir » que Jésus a voulu nous dire en retournant chez son Père.
CLÉOPAS
– Mais permets-moi, Maria, de profiter de ta présence. Est-il vrai qu’étant allée avec des femmes au sépulcre pour oindre le corps de Jésus, un tremblement de terre a secoué la pierre qui le fermait, en sorte que vous avez pu voir que le tombeau était vide ? Et les gardes, que les responsables du Sanhédrin avaient placés là pour empêcher que le corps ne fût volé, ont eu peur, tandis que vous, exemptes de tout danger, vous vous êtes demandées ce qui avait bien pu se passer ? Des anges sont alors apparus, vous annonçant que Jésus était ressuscité ? Extraordinaire ! Jésus est ressuscité, sans que personne ne l’ait vu !
JEAN
– Il y a vraiment de quoi croire que Jésus, sortant du tombeau, les a tous rendus aveugles, et qu’il a ainsi donné un signe de sa résurrection.
MARIA
– J’ai entendu raconter ces histoires, mais rien de semblable ne nous est arrivé ; il s’agit d’une affabulation, dans laquelle nous avons été impliquées. Peut-être que des gens issus du noyau fanatique des fidèles, refusant d’accepter que Jésus demeure parmi les morts, bien à l’abri dans un tombeau de riches, l’ont volé pour le jeter dans une fosse, afin de pousser Dieu à le ressusciter avec puissance et gloire.
JEAN
– Comment est-ce possible ?
MARIA
– Oh ! Il y a des croyants chez qui la foi ne suit pas l’événement mais le précède, jusqu’à le provoquer. Sans doute, à cause de l’influence que la personne de Jésus a eue dans leur existence.
PIERRE
– À ce point, vous le croyez ?
MARIA
– Sans doute, parce que l’imagination hypnotise l’esprit !
CLÉOPAS
– C’est très pertinent, ce que tu dis-là ! Mais pour retourner à ta narration, et les anges, qu’en dis-tu ?
MARIA
(Évasive).
– Ils étaient trop occupés, je pense, à la réception de Jésus au ciel, pour pouvoir venir nous annoncer sa résurrection !
CLÉOPAS
– Je suis enchanté de t’avoir connue, Maria.
MARIA
– Merci ! Moi aussi, je suis heureuse de t’avoir entendu.
PIERRE
– Allons-y donc, asseyons–nous. (Tout le monde s’assied autour de la table). Raconte-nous l’apparition, Cléopas.
CLÉOPAS
– J’ai dû me rendre, avec un ami, à Emmaüs. En chemin, un homme s’est approché pour nous demander s’il pouvait s’associer à nous. Nous voyant tristes, pour ne pas dire angoissés, il s’est enquis du motif de cette tristesse. « Ignores-tu, cher ami, lui ai-je dit, les derniers événements de la ville ? Comment les principaux sacrificateurs et les magistrats ont condamné Jésus de Nazareth, prophète et homme de Dieu ? Nous espérions trouver en lui celui qui aurait délivré Israël, mais voici, nous sommes déjà au troisième jour que ces choses se sont passées ! ».
Alors il a dit : « Ô hommes sans intelligence et dont le cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes. Ne fallait-il pas que le Christ souffre ces choses, pour qu’il entre dans sa gloire ? »