Sommaire
Introduction
Densités du mot
La hiérarchie céleste du pseudo Denys
Droits politique et religieux
Démocratie et théocratie
Rôle de l'Église
Un système d’ordre universel
Libéralisme et fascisme
Hiérarchie et communisme
Du code génétique au code linguistique
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S’il est impossible de dater l’origine du mot, nous pouvons cependant connaître le moment où il fut assumé pour exprimer la clef de voûte d’un système de valeur qui fut à la base de la civilisation chrétienne du moyen-âge.
On le retrouve chargé de ce sens à la fin du VI° siècle, dans l’œuvre du Pseudo Denys qui a pour titre Sur la hiérarchie céleste (1). Ce livre est théologique et à pour but d’inscrire tous les discours qui se faisaient depuis longtemps sur les anges – angéologie – dans le cadre d’un traité systématique. La hiérarchie est à la fois le schéma de ce système et de l’ordre métaphysique où les anges apparaissent définis dans leur entité et dans leur fonction.
Le mot « anges » ne doit pas nous tromper sur leur valeur réelle car, dans la culture dont le traité du Pseudo Denys est une des plus grandes expressions, l’univers est régi à tous ses niveaux par des puissances célestes. C’est la vision du monde propre à la philosophie néoplatonicienne d’origine gnostique : Dieu gouverne le monde et les nations par des anges, comme jadis Zeus par les dieux. De plus, les anges deviennent la personnification métaphysique des principes de l’ordre universel aussi bien dans la nature que dans l’Église et dans la société.
Il est vrai que le même auteur a négligé de parler de la hiérarchie politique, se limitant à celle de l’Église dans un livre qui porte pour titre Sur la hiérarchie ecclésiale (2). Je pense qu’il s’est abstenu d’accomplir son projet par peur de se heurter à l’autorité impériale, car son système l’amenait à subordonner le pouvoir politique au religieux. Il faut donc voir dans la hiérarchie céleste des anges un paradigme transcendantal de l’ordre universel des choses.
Elle peut se résumer dans le schéma suivant :
(schéma absent du manuscrit)
Cette figure est la mise à plat d’un cône renversé, où le périphérique représente le haut, et le centre le bas. Elle traduit l’ordre hiérarchique de l’univers dans le cadre d’une double ordonnance dont l’une, spatiale, reproduit les orbites célestes selon le système ptolémaïque et l’autre, dynamique, s’inscrit dans le cadre d’une articulation trinitaire propre au christianisme.
Le triangle périphérique est Dieu, triade suprême qui résulte des trois principes de l’étant : le commandement (taxis), la science (episthème) et l’acte (enérgeia), correspondant à vouloir, intelligence et action.
Dans le triangle se trouvent renfermées les trois orbites des dieux, dans un ordre de degrés subordonnés dont la terre est l’aboutissement. Chaque degré est au degré qui le suit ce que son supérieur est à son égard, tous se liant par un processus subordonné de participation qui remonte à Dieu. Au premier ciel, la triade suprême se divise elle-même en ordres des Séraphins, des Chérubins et des Trônes ; au deuxième en Dominations, Puissances et Vertus ; au troisième en Principats, Archanges et Anges.
La hiérarchie apparaît donc comme l’articulation descendante de la participation du sacré. Elle est définie par le Pseudo Denys comme « un ordre sacré », un commandement sacré, une science, une activité qui s’assimile à la forme divine autant qu’il leur est possible et qui, par des illuminations divines, s’élèvent selon un rapport de proportions à l’image divine (3).
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(1) Mg. P.G. 3, col. 119-370. Pour la traduction, voir G. Darboy, Paris, 1845. 
(2) Mg. P.G. 3, col. 469-584. 
(3) De hierar. III, P.G. 3, col. 163-164. 
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