ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


La hiérarchie dans son processus historique :

du pouvoir de la prêtrise à la prêtrise du pouvoir





La hiérarchie du Pseudo Denys
comme structure d’un système d’ordre universel


Sommaire

Introduction

Densités du mot

La hiérarchie céleste du pseudo Denys

Droits politique et religieux

Démocratie et théocratie

Rôle de l'Église

Un système d’ordre universel

Libéralisme et fascisme

Hiérarchie et communisme

Du code génétique au code linguistique



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   Nous sommes maintenant en mesure de comprendre le sens historique de la hiérarchie denysienne. Elle est l’élévation de l’organisation de l’Église comme structure fondamentale de cet univers que doit habiter l’homme – le genre humain – engendré par le Christ. La monade divine qui produit cet ordre est la projection de l’union du Christ et de l’Église. Le renversement des termes du mot primitif apparaît donc justifié : il ne s’agit plus, comme au temps de la république, d’un pouvoir dans le domaine religieux ni, comme dans l’empire, du caractère sacré du pouvoir, mais du sacré comme pouvoir : c’est la prêtrise élevée au pouvoir.
   La triade qui constitue la monade divine – ordre, science et acte – est en correspondance avec la Trinité – Père, Fils et Esprit – en ce que le premier est le vouloir, le deuxième la pensée et le troisième l’action. Elle participe d’abord dans l’Église par l’ordre sacré du pouvoir – évêques, presbytes et diacres – puis par la subordination des fonctions – autorité (exousia), doctrine (didaké) et service (diaconia).
   Des trois axes qui constituent la hiérarchie, le plus important est la « taxis » (remarquons la variété dans la connotation sémantique : ordonnance, ordre, commandement, position, classe) parce qu’elle est le point de jonction et de légitimation des deux autres. Science et action sont donc en fonction du pouvoir et sont conditionnées par la position qu’elles acquièrent dans l’ordre hiérarchique.

   Le renversement du système apparaît surtout dans le critère transcendantal qui sépare le mal et le bien. Tandis que, dans la civilisation gréco-romaine, le péché était constitué par le « a-dikia », l’injustice, dans le système hiérarchique il est l’insubordination (a-taxia). Toute tentative de changer la position fixée par l’ordre – changement de tâche, de groupe, de classe… – est une transgression beaucoup plus grave que tout défaut au niveau de la fonction, car la subordination est le ressort fondamental du régime hiérarchique. Toute fonction descend du haut, et elle n’a de légitimité et d’efficacité que dans la mesure où elle demeure à sa place, selon le degré hiérarchique.
   En raison de la primauté axiale de la « taxis » et du conditionnement par elle de la science et de l’action, celles-ci ne possèdent qu’un caractère idéologique (1).

   Apparaissant à la fin de l’empire d’Orient, la hiérarchie s’offrit à la civilisation naissante du moyen-âge comme schéma fondamental de sa conception de la société, son caractère théologique la rendant apte à soutenir aussi bien l’Église que l’État. Théologie du monde et de la société, elle fut aussi nouvelle logique susceptible de guider la pensée dans une démarche qui avait son point de départ dans la révélation chrétienne. L’œuvre du Pseudo Denys fut le manuel où les hommes du moyen-âge se formèrent à la logique du sacré.

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(1) Pour une connaissance approfondie de l’œuvre, voir R. Roques, « La notion de hiérarchie selon le Pseudo Denys » in Archives d’histoire doct. et litt. Du moyen-âge, 1949, pp. 183-200 ; 1950, pp. 5-44.   Retour au texte



22 octobre 1977




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