ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


La hiérarchie dans son processus historique :

du pouvoir de la prêtrise à la prêtrise du pouvoir





Le libéralisme et la tentation fasciste


Sommaire

Introduction

Densités du mot

La hiérarchie céleste du pseudo Denys

Droits politique et religieux

Démocratie et théocratie

Rôle de l'Église

Un système d’ordre universel

Libéralisme et fascisme

Hiérarchie et communisme

Du code génétique au code linguistique



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   Depuis le XV° siècle, l’histoire européenne nous apparaît comme un processus d’émancipation de la culture du pouvoir religieux qui la tenait captive. La reprise des idéaux du classicisme gréco-romain par l’humanisme et la lutte contre le clergé entreprise par la Réforme, la révolution scientifique copernico-galiléenne et la méthode cartésienne, la révolution française et la révolte des communes, la naissance du socialisme et de l’art nouveau montrent bien l’engagement de la conscience moderne dans la conquête de la liberté.

   Il convient cependant de reconnaître que le mot « hiérarchie » reste encore dans le lexique de nos langues, et qu’il s’agit d’un mot actuel et non archaïque, possédant un sens qu’on utilise pour désigner une réalité existant dans les structures sociales et culturelles de notre société. Quoiqu’au niveau de la sémantique synchronique ce mot se soit détaché de toute relation avec le sacré (en le prononçant, personne ne pense aujourd’hui aux termes qui le composent), il demeure uni dans la densité diachronique. Et puisque celle-ci est en correspondance avec la dialectique de l’histoire, elle nous sert de miroir pour connaître la structure intime de nos institutions ainsi que leur éventuel conditionnement par le sacré. Je pense que les études de ce Cahier (1) s’inscrivent dans cette perspective.

   Je voudrais cependant attirer l’attention sur le fait que la persistance dans nos institutions du schéma hiérarchique n’est pas sans conséquences. Ce schéma constitue, à mon avis, un résidu archaïque de l’instinct du sacré qui hante encore le pouvoir. Le glissement des gouvernements démocratiques et libéraux vers le fascisme ou des attitudes fascistes en est l’indice, car le fascisme représente la plus grande et la plus tragique tentative de pouvoir hiérarchique en régime capitaliste.
   Pour me rapporter aux origines, il convient de rappeler que Mussolini et Hitler fondèrent leur régime sur la base d’un pouvoir qui relevait du caractère charismatique du chef (Duce, Führer = arké). S’ils recherchèrent le consensus des masses, ce n’était pas pour légitimer leur pouvoir mais pour leur conférer l’authenticité de peuple. À la manière des empereurs, ces deux hiérarques se comportèrent comme des dieux : leur parole fut « dogme », leur pouvoir « grâce », cependant que le serment qui leur unissait le peuple prenait la valeur de « sacrement ». Le plébiscite populaire n’était qu’un rite, par lequel les masses confessaient leur « foi » au chef sauveur.
   C’est par cette foi que les masses devinrent complices des crimes que celui-ci justifia sur son nom. Hitler envoya à l’extermination des millions de juifs avec la même autorité que l’ancien dieu montagnard et barbare de ceux-ci avait voué à l’interdit le peuple cananéen (2). Pour accomplir la sacralisation de son pouvoir, Mussolini avait transformé le droit constitutionnel en droit hiérarchique ; dans le cadre de cette hiérarchie, tout détenteur de pouvoir fut appelé « hiérarque » (gerarca).

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(1) Le texte présenté sur ce site est un document original écrit par Ennio Floris. Cette phrase fait penser qu’il s’agit d’un projet de publication dans un Cahier du CPO, ou dans un numéro de Parole et Société.   Retour au texte

(2) « Frappe Amalek, voue le par interdit avec tout ce qui lui appartient : tu ne l’épargneras point et tu feras mourir les hommes et les femmes, les enfants et les nourrissons, les bœufs et les brebis, les chameaux et les ânes » (1 S 15:3).   Retour au texte



22 octobre 1977




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