Sommaire
Introduction
Densités du mot
La hiérarchie céleste du pseudo Denys
Droits politique et religieux
Démocratie et théocratie
Rôle de l'Église
Un système d’ordre universel
Libéralisme et fascisme
Hiérarchie et communisme
Du code génétique au code linguistique
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Cet ordre démocratique fut changé par l’empire. Vu à l’échelle des grandeurs millénaires, l’empire apparaît comme une synthèse de la théocratie orientale et de la démocratie occidentale.
L’empereur fut investi d’une autorité qui puisait son prestige et son pouvoir dans l’ambiguïté de son origine. Élu par acclamation des armées et du peuple, il exerçait cependant son pouvoir en raison d’une domination (imperium) qui relevait du divin. Grand pontife et chef militaire et politique, il incarnait l’autorité du divin César monté au ciel, en se posant en seigneur et dieu (dominus et deus) du monde habité. Les deux Droits de la Rome républicaine – le droit civil et le droit religieux – cessèrent d’être source d’équité pour devenir instruments d’une justice qui avait son fondement dans le sacré du pouvoir absolu.
Il n’est pas étonnant que son autorité se soit inscrite dans le cadre d’une nouvelle religion : le culte de Rome et de l’empereur. L’union de l’imperium et de la cité fut célébrée comme un mystère, auquel tout citoyen devait être initié. Ayant perdu tout pouvoir, Rome, la cité à la dimension terrestre, ne pouvait s’offrir à l’empereur que comme le corps d’une épouse divine à la puissance génératrice d’un homme-dieu.
Par cette union, elle devint mère du genre humain, cependant que l’empereur en fut le père. Ainsi un axe génétique fut-il substitué au schéma démocratique conditionnant les fonctions de la cité par leur position dans l’ordre hiérarchique du pouvoir. Les noces mystiques de l’empereur avec Rome furent en fonction d’un homme nouveau et d’un nouvel ordre du monde. Par l’initiation à ce mystère, les hommes furent rassemblés dans une conscience d’homme, par-delà leur race et leur nationalité, leur religion et leur culture. Par l’extension du droit de citoyenneté, Rome fut l’univers de cette nouvelle humanité, et l’empereur son dieu sauveur (1).
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(1) Il a été beaucoup publié sur le culte de l’empereur. Voir, entre autres :
– E. Beurlier, Essai sur le culte rendu aux empereurs, Paris, 1891.
– J. Gagé, Basileiai – Les Césars, les rois d’orient et les sages, Belles lettres, Paris, 1968.
– J. Gagé, Le paganisme impérial et la nécessité d’une théologie. 
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