Sommaire
Préface
Quittez un monde bon
Vivre la foi dans le siècle
Présence de l’Église au monde
Évangélisation et prosélytisme
- Tout est grâce
- Le temps de la grâce
- Église et évangélisation
- Les Églises éclatées
- Un espoir ?
Vers l’humanité de Dieu
Église en dialogue avec le monde
Itinérance : une quête du sens
Croire au-delà des perplexités
En écoutant l’Alléluiah d’Hændel
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Tout est grâce
C’est presque un lieu commun de parler d’évangélisation dans l’Église. C’est sans doute le problème essentiel, car c’est dans la mesure où nos Églises, non seulement au niveau des autorités et des responsables, mais surtout à la « base », auront compris dans les dix ou quinze prochaines années l’urgence de cette question qu’il y a pour elles une chance de « résurrection ».
L’évangile est la bonne nouvelle d’un « salut » total, universel, cosmique. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son fils unique » (Jn 3:16).
Ce « salut » est à la dimension du monde créé par Dieu (Gn 1 & 2). Ces textes du livre de la Genèse attestent que le règne de Dieu s’étend à toutes choses, ce qu’on appellerait aujourd’hui le « cosmos » (l’étendue des cieux, les luminaires, les étoiles), et la « terre habitée » (la planète), avec sa vie végétale et animale. Ce monde a été créé bon, très bon. L’homme, l’espèce humaine, l’humanité, a été créé pour exercer en gérance, en délégation de pouvoir, l’autorité, le gouvernement, de cette totalité du monde. « Remplissez la terre, soumettez-la » (Gn 1:28). « L’Éternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder » (Gn 2:15).
Par la suite, le monde est devenu une réalité complexe ; il est décrit comme en autonomie (Gn 3). Il est ainsi une réalité ambigüe ; il demeure toujours, en dépit de la révolte humaine, l’univers créé, dont Dieu reste le maître incontesté, qui n’a pas abandonné sa création, son œuvre. Cependant une situation nouvelle est apparue : une humanité livrée à elle-même, vivant dans l’ignorance de son véritable destin (Ac 3:17 ; 17:29-30 ; Ep 4:17-19 ; Mt 15:13-14 ; 16 ; Jn 9:39-41). Le Nouveau Testament est témoin de l’ambiguïté du mot : le monde y apparaît à la fois comme un lieu, l’univers créé (cf. Jn 1:9-10 ; Ac 17:24 ; Mt 16:26 ; 26:13 ; Ro 1:8 ; 1 Co 3:22) et comme une situation d’ignorance, d’aveuglement, qui situe le monde en état de crise ( Mt 18:7 ; Jn 12:31 ; 16:11 ; Ro 5:12 ; 3:6; 19 ; 1 Co 1:20 ; Ep 2:2 ; He 11:7 ; Jc 4:4 ; 2 P 1:4).
Dans l’Écriture, le salut s’exprime dans une création renouvelée : non point un monde différent du premier, mais ce monde-ci entièrement nouveau, dans lequel la lumière aura chassé définitivement l’ignorance et l’aveuglement. « Je vais créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre » (Is 65:17). « Nous attendons selon sa promesse de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera » (2 P 3:13)… Alors l’humanité entière connaîtra le salut. « Les nations verront ton salut, et tous les rois ta gloire » (Is 62:2).
Le contenu de ce salut, qui est « Évangile » et un « Schalom » (expression qui signifie en hébreu à la fois paix, vérité, communauté, harmonie, justice), ou autrement dit le Royaume de Dieu. En Jésus-Christ, ce « royaume » s’est approché, une « alliance de paix » est conclue en lui. Dieu dit « OUI » au monde. C’est ce « oui » de Dieu que le mot « grâce » exprime : Dieu aime le monde.
L’amour de Dieu est l’acte par lequel Dieu se livre dans l’existence de celui qui est devenu le « serviteur » (Is 53:4-6 ; Ph 2:7-8). La paix, la justice, l’harmonie (le Schalom) sont contenus dans cet acte de renoncement de Dieu en Jésus-Christ (Is 42:1-7). Jésus-Christ, livré, solidaire de notre humanité dans son incarnation, devient, dans sa croix et sa résurrection, le lieu unique et définitif de toute réconciliation. Jésus est le nouvel Adam, l’image restituée de Dieu ; il est l’homme dans sa plénitude retrouvée, l’homme authentique à qui Dieu remet à nouveau et définitivement l’autorité sur toutes choses, le « gouvernement du monde » (Col 1:15-16; 19-20 ; Ep 1:20-23). En Jésus-Christ, dans ce monde ambigu, lieu de la souveraineté de Dieu et et de la désobéissance de l’homme, le « royaume de Dieu » s’est approché en Jésus-Christ, « toutes choses » retrouvent leur destination et leur signification véritables. « Toutes choses », c’est-à-dire tout ce qui constitue la création : la science, la culture, l’art, la politique, aussi bien que la vie personnelle, familiale, professionnelle. L’œuvre de réconciliation, la « récapitulation » de toutes choses est donc accomplie, indépendamment même de la « conversion » de l’homme (Col 1:6).
Une grâce libératrice est, en Jésus-Christ, offerte à tous les hommes. L’Évangile est universel, le royaume de Dieu est destiné à envahir la terre entière (l’oikouméné). Jésus-Christ vivant est désigné dans sa résurrection et son ascension comme le Seigneur du monde (Jn 12:32), mais il est et demeure le seigneur-serviteur, c’est sa manière de « régner » sur la terre habitée.
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