Sommaire
GENÈSE ET MÉTHODE D’APPROCHE DES RÉCITS
LECTURE DU RÉCIT DE MATTHIEU
La généalogie de Jésus
- Introduction
- Rupture de l’agencement
- Virginité de Marie
- Retour à Nazareth
- Catéchèse
- Proto-évangiles
- Substitution d’écriture
Marie trouvée enceinte
Les mages
La fuite en Égypte
LECTURE DU RÉCIT DE LUC
CONCLUSION
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La rupture de l’agencement
La généalogie de Matthieu est un paradigme très structuré, où la série des parentés est présentée sur une progression descendante de quarante-deux générations, divisées en trois groupes de quatorze, selon trois périodes de l’histoire juive : d’Abraham à David, de David à la déportation à Babylone, de la déportation au Christ. Tout est ainsi rangé dans le cadre d’une allégorie théologique exprimée par le nombre 42, ensemble de 7 x 6, ou de (7+7) x 3. En outre, la formule qui régit la progression des générations de père en fils est toujours la même : X engendra Y, le fils devenant à son tour père dans la génération suivante.
Or il se trouve que cette structure d’agencement est brisée, précisément à la génération de Jésus. Selon la logique structurale, on devrait trouver « Joseph engendra Jésus, qui est appelé Christ », or au contraire on trouve la proposition « l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qui est appelé Christ » (Mt 1:16).
Cette substitution n’est pas originelle. Premièrement parce qu’elle implique une rupture non seulement à l’égard du modèle d’agencement des générations, mais aussi du symbole allégorique du nombre, car l’enfantement par Marie est en fait non la quatorzième mais la treizième génération. Je reviendrai d’une façon plus approfondie sur cette dernière anomalie. Deuxièmement, il apparaît étrange qu’une généalogie puisse envisager une solution dans la continuité des générations, alors que son but n’était que de fonder la légitimité de la naissance davidique de Jésus. De toute façon, la conception virginale n’était qu’un phénomène intérieur au couple, de la même façon que la stérilité, n’ayant tout au plus qu’une valeur théologique.
C’est l’interprétation qu’en donne l’auteur des récits de la naissance chez Luc car, quoiqu’il semble s’en tenir au code de la naissance virginale d’une façon plus stricte que Matthieu, il ne se sent pas pour autant obligé de modifier la généalogie. Il convient de rappeler que celle-ci est très différente de celle de Matthieu, dans sa forme et dans son contenu. Elle procède en effet non pas du père au fils, mais du fils au père, de proche en proche, jusqu’à Dieu lui-même. La formulation de Matthieu « X engendra Y » est substituée par « Fils de » et, même si elle reste implicite au cours de la série des générations, elle est explicite au commencement, dans la génération de Jésus qui était « fils de Joseph » (Lc 3:23).
Ne voulant pas la changer de l’intérieur, l’auteur a seulement ouvert une parenthèse afin de permettre la jonction avec le nouvel évangile introductoire, écrivant « comme on le croyait » (Lc 3:23). Ainsi Jésus était-il conçu par une vierge, mais ce mode spécial n’affectait pas le processus historique et légal de son appartenance à la famille de David, puisqu’aux yeux de tout le monde et aux effets du droit, il était fils de Joseph, de la maison de David.
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