Sommaire
GENÈSE ET MÉTHODE D’APPROCHE DES RÉCITS
LECTURE DU RÉCIT DE MATTHIEU
La généalogie de Jésus
- Introduction
- Rupture de l’agencement
- Virginité de Marie
- Retour à Nazareth
- Catéchèse
- Proto-évangiles
- Substitution d’écriture
Marie trouvée enceinte
Les mages
La fuite en Égypte
LECTURE DU RÉCIT DE LUC
CONCLUSION
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La virginité de Marie, ajout récent
Ces remarques nous confortent dans l’hypothèse que la virginité de Marie est d’une date très récente et marque dans un certain sens l’aboutissement d’un processus catéchétique fondé sur le récit.
Sans entrer directement dans ce problème, je me bornerai à souligner les étapes fondamentales de cette évolution.
Je placerai en tout premier lieu la prédication apostolique de Paul, dans laquelle le messianisme de Jésus est fondé sur la résurrection. Quoiqu’il reconnaisse que le Christ doit « selon la chair » être fils de David, celui-ci demeure cependant en marge du Kérygme.
L’évangile de Marc vient au deuxième rang. Le Kérygme s’étend de la résurrection à la vie de Jésus, qui apparaît déjà marquée par les signes et les prodiges de son messianisme à partir d’un événement fondateur, le baptême dans le Jourdain, où Dieu le manifeste comme son fils bien-aimé.
Les évangiles de Matthieu et Luc montrent, si on tient compte aussi des généalogies, que l’Église non seulement a définitivement rompu avec le judaïsme, mais qu’elle en prend la relève dans l’accomplissement messianique des promesses.
Les généalogies impliquent le souci tout particulier de donner au messianisme de Jésus un fondement conforme aux signes de reconnaissance exigés par le judaïsme. Pour qu’il soit le Christ, il faut que Jésus soit de la descendance de David, héritier légitime des promesses que Dieu avait faites au roi. Elles servent donc de point de départ pour justifier la légitimité de la conquête du monde par le Christ.
Les proto-évangiles de la naissance apparaissent après les généalogies. Sans doute sont-ils dictés par le souci d’accomplir la catéchèse du Christ selon la chair, afin d’anticiper du baptême à sa naissance l’événement fondateur du messianisme de Jésus.
Il est aussi possible de reconnaître dans la virginité de Marie la projection du même schéma opératoire qui, pour la résurrection, avait été porté par le tombeau vide. De même que Jésus est révélé comme Christ par le tombeau vide, qui devient signe de sa résurrection d’entre les morts, de même il l’est par le sein virginal (vide) de Marie, qui devient signe qu’il est le fils de Dieu. J’aurai l’occasion de souligner plus loin ces analogies productrices du nouveau discours.
Mais ces analogies sont-elles suffisantes ? Faut-il expliquer l’apparence de ces évangiles et les comprendre uniquement par l’évolution interne de la catéchèse, ou bien est-il nécessaire de postuler la survenue d’événements extérieurs qui auraient jeté l’Église dans le trouble ? Les modifications que nous trouvons dans la généalogie de Matthieu nous pousseraient à y voir l’éclatement d’une crise, mais la glose apportée à celle de Luc nous obligerait en revanche à expliquer le surgissement de cette catéchèse à partir de la seule évolution catéchétique, puisque la virginité de Marie n’aurait pas filtré à l’extérieur de l’Église, où on savait seulement que Jésus était « fils de Joseph » (Lc 3:23).
Il nous reste à rechercher si cette affirmation n’a qu’un but d’information ou si elle a, au contraire, une fonction de censure.
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