ANALYSE RÉFÉRENTIELLE
ET ARCHÉOLOGIQUE
Ennio Floris
La référence aux Écritures et les controverses entre juifs et chrétiens
au sujet du Christ
L’action des apôtres
Sommaire
Avertissement
au lecteur
Introduction
Le Christ
et les Écritures
La foi
en Jésus-Christ
Le Christ
selon les apôtres
L’action des apôtres
-
Introduction
-
L’attitude
conciliatrice de
Pierre
-
La rupture
d’Étienne
-
Les discours
de Pierre et
Étienne
-
De la trêve
à la persécu-
tion
-
Le silence sur Judas
. . . . . . . . - o
0
o - . . . . . . . .
Le silence sur Judas
(1)
De façon maligne et sournoise,
Pierre avait affirmé que les
juifs avaient livré
Jésus aux
Romains pour
qu’il soit exécuté de leurs mains parce
qu’ils ne pouvaient pas le faire des leurs. Mais qui
le leur avait livré ?
Judas, suppose-t-on, mais dans leur accusation
Pierre et
Étienne
n’y firent aucune allusion.
Oubli de leur part, ou volonté préméditée de ne rien dire ?
Pierre aurait-il pu l’oublier, quand
il avait lui-même excommunié
Judas pour le retrancher du nombre des
Douze à cause de sa trahison ? Son silence semble vouloir éviter de considérer les
apôtres comme coupables de la trahison pour en rejeter la responsabilité sur
les juifs.
Je me demandais si
les juifs avaient pu éprouver ce soupçon quand j’ai trouvé chez
Celse un texte qui autorise à penser que
les juifs ont effectivement accusé
les apôtres d’avoir recouru à cet alibi. En effet,
Celse a mis dans la bouche du
juif, personnage de
son livre, cette plainte des
juifs contre les
chrétiens : «
Comment pouvions-nous considérer comme
Dieu
celui
(qui)
, alors
qu’il se cachait et cherchait la fuite la plus honteuse, fut pris, livré par ceux
qu’il nommait
ses disciples ? Pourtant il ne
lui était possible, s’il était
Dieu, ni de s’enfuir, ni de se laisser emmener enchaîné, et encore moins, s’il était
Dieu, considéré comme le
sauveur, le
Fils et l’envoyé du
Dieu très grand, d’être abandonné et trahi par
ses compagnons qui avaient partagé en tous points son intimité et
le tenaient pour maître
» (
Contra Celsum
2:9).
Cette plainte ne naît certainement pas de l’imagination de
Celse, qui ne rapporte que ce
qu’il a effectivement entendu lors de son enquête dans les synagogues. Or si
les juifs, au deuxième siècle, étaient convaincus que
Jésus a été livré par
ses disciples, on peut bien croire que l’information remontait aux origines.
Cette accusation des
juifs fut aussi lourde de conséquences pour
les apôtres que la leur le fut pour les
juifs.
Les apôtres, surtout
Pierre, en furent sans doute profondément ébranlés.
En effet,
ils avaient voulu non seulement manifester la malédiction de
Dieu sur
Judas à cause de sa trahison, mais dégager
les Douze de toute responsabilité de son crime. Exclu par excommunication du collège des
apôtres le traître,
Judas, ne pouvait être compté qu’au nombre de ceux qui avaient tué
Jésus.
Les apôtres prenaient maintenant conscience que le non-lieu par lequel
Judas disparaissait de l’acte d’accusation permettait de
les accuser, eux-mêmes,
les disciples de
Jésus, d’être les traîtres.
Sans doute
les apôtres s’étonnaient-ils, d’autant plus innocents
qu’ils étaient parvenus, en interprétant les Écritures et les signes de sa mort, à la certitude que
Judas avait trahi. Même innocents dans le for intérieur de leur conscience,
ils restaient coupables devant la loi, qui ne reconnaissait comme témoignage valable que celui fondé sur la perception des faits.
Pour
les juifs,
les apôtres n’étaient donc que de faux témoins, qui avaient excommunié
Judas afin de se fournir un alibi qui écartait leur responsabilité dans la trahison de
Jésus, et qui rendait
les juifs eux-mêmes responsables exclusifs de sa trahison et de sa mort.
Pour nous, la question est posée de savoir comment les choses se sont réellement passées. Comment
les apôtres ont-ils pu croire, grâce à des signes, que
Judas était le traître, alors
qu’ils ne pouvaient même pas l’attester par leur propre expérience ? Et pourquoi
les juifs ont-ils oublié que
Judas s’était effectivement rendu chez les
sacrificateurs pour trahir
son maître, même par simulation ? Enfin, qu’ont fait
les apôtres pour éluder cette ultime accusation ?
______________
(1)
Voir
l’étude sur
Judas (EF 1987).
10/02/1999
tj40450 : 24/08/2020