ANALYSE RÉFÉRENTIELLE
ET ARCHÉOLOGIQUE
Ennio Floris
La référence aux Écritures et les controverses entre juifs et chrétiens
au sujet du Christ
L’action des apôtres
Sommaire
Avertissement
au lecteur
Introduction
Le Christ
et les Écritures
La foi
en Jésus-Christ
Le Christ
selon les apôtres
L’action des apôtres
-
Introduction
-
L’attitude
conciliatrice de
Pierre
-
La rupture d’Étienne
-
Les discours
de Pierre et
Étienne
-
De la trêve
à la persécu-
tion
-
Le silence
sur Judas
. . . . . . . . - o
0
o - . . . . . . . .
L’attitude de rupture d’Étienne
Une plainte fut adressée aux
apôtres par les « hellénistes »,
juifs de la diaspora grecque parlant le grec, contre les « hébreux »,
juifs de
Palestine de langue araméenne, au sujet de leurs veuves, qui étaient négligées.
La querelle montrait l’existence dans la communauté de problèmes qui demandaient une organisation plus complexe.
Les Douze proposèrent de nommer des diacres pour le « service des tables », c’est-à-dire le repas communautaire à caractère liturgique, afin de laisser les
apôtres disponibles pour le ministère de la parole. La communauté procéda donc à l’élection de sept diacres, dont les noms témoignent de l’origine helléniste.
Parmi eux, le plus réputé fut
Étienne qui, singulièrement, ne se distinguait pas des autres par son dévouement au « service des tables », mais par son rayonnement dans le ministère de la parole.
Il eut des discussions avec des membres de la synagogue des affranchis, et ses positions suscitèrent le scandale, au point
qu’il fut accusé devant le Sanhédrin et convoqué pour y être jugé.
L’accusation portait sur des blasphèmes
qu’Étienne aurait prononcés au sujet de
Moïse
et de la Loi, par exemple que
Jésus détruirait
le temple et abolirait la Loi. Invité à se disculper,
Étienne se défendit en accusant impitoyablement ses détracteurs et ses juges. Pour
lui, les Écritures étaient le critère de la vérité, et sa seule base d’accord ne pouvait être que la parole de
Dieu. Aussi son discours fut un rappel des événements de l’histoire biblique,
d’
Abraham
à
David
:
Abraham, parce que
Dieu
l’avait béni, en tant que père du
peuple,
lui promettant la victoire sur toutes les nations du monde,
le roi David parce que
Dieu
lui garantit une royauté sans fin.
Mais si
Étienne fit appel, comme ses adversaires, aux mêmes Écritures, son interprétation fut différente. Pour ses interlocuteurs et ses juges,
scribes et anciens, la compréhension des Écritures portait sur le sens historique, dont le judaïsme était le sujet.
Étienne, par contre, leur attribuait un sens spirituel qui s’accomplissait dans le
Christ.
Dieu avait béni
Abraham
par les paroles «
tu seras une source de bénédiction… et toutes les familles de
la terre seront bénies en toi
» (
Gn 12:
3
). À
David
,
Samuel avait assuré au nom de
Dieu : «
Ta maison et ton règne seront pour toujours assurés, ton trône sera pour toujours affermi
» (
2 S 7:
16
).
Les anciens comprenaient ces bénédictions littéralement, concernant la
génération
d’
Abraham
et le royaume historique de
David
. Cela n’excluait pas un sens messianique, inspiré du
serviteur de
l’Éternel, entendu au sens du
peuple lui-même,
le Juste, que
Dieu glorifierait en l’élevant à la dignité de
Christ pour avoir assumé dans sa chair les châtiments réservés aux injustes (
Is 53:
12
). Pour
Étienne, au contraire, le «
serviteur de
l’Éternel » représentait la figure du
Christ, le
fils de
Dieu, qui devait accomplir dans le monde le sacrifice des justes pour la rédemption des péchés.
Il était effectivement venu en
Jésus, au bout d’une longue chaîne de meurtres du frère par le frère tout au long de l’histoire du
peuple.
Abel
par
Caïn,
Jacob par
Ésaü,
Joseph par ses frères, les
prophètes par les peuples,
David par son fils
Absalom. Le
fils de
Dieu advint donc au moment ultime de ce tragique d’existence qui parcourt l’histoire du peuple.
Sa défense est hantée par cette vision.
Il avait été accusé de blasphème pour avoir proclamé que
Jésus était le
Christ, qui aurait mis fin à la Loi et détruit
le temple.
À la première accusation,
il cite cette affirmation de
Moïse
dans le
Deutéronome
: «
L’Éternel me dit : je leur susciterai du milieu de leurs frères un
prophète comme moi, je mettrai mes paroles dans sa bouche et
il leur dira tout ce que je lui commanderai. Et si quelqu’un n’écoute pas les paroles
qu’il dira en mon nom, c’est moi qui lui en demanderai compte
» (
Dt 18:
18-19
).
Étienne donne au verbe «
susciter
» (
anasteso
) le sens de « ressusciter » : par sa résurrection,
Jésus a accompli la parole de
Moïse ;
il a été ce
prophète dans la bouche duquel
Dieu a mis sa parole (
voir
Ac 3:
21-26
) et le
Christ, auquel
Dieu a donné autorité pour accomplir la Loi.
Quant à la destruction du
temple,
Étienne transforma en prophétie l’accusation portée contre
Jésus lors du concile des anciens réuni dans la maison du
grand-pontife : «
Celui-ci a dit : je puis détruire
le temple de
Dieu et le rebâtir en trois jours
» (
Mt 26:
61
). Mais, par cette prophétie,
Dieu interdisait à
David
de bâtir une maison en son honneur, prohibition qui signifiait pour
Étienne le refus de
Dieu de posséder un temple pour son culte, selon la parole adressée au
prophète
Isaïe
: «
Le ciel est mon trône et
la terre mon marchepied ; quelle maison pourriez-vous me bâtir, et quel lieu me donneriez-vous pour demeure ?
» (
Is 66:
1
).
Le Christ détruira ce temple de pierres, pour que
Dieu soit adoré dans sa véritable maison,
le ciel et
la terre.
Accusé d’annoncer un
Christ qui était un homme mis à mort par la volonté du
peuple et par la Loi,
Étienne rétorqua qu’eux aussi, en
le tuant, avaient reconnu
qu’il était le
Christ, puisqu’ils avaient accompli ce meurtre annoncé d’avance par les
prophètes au sujet du
Christ : «
Hommes au cou raide, incirconcis de cœur et d’oreilles ! Vous vous opposez toujours au
Saint Esprit. Ce que vos pères ont été, vous l’êtes aussi. Lequel des
prophètes vos pères n’ont-ils pas persécuté ? Ils ont tué ceux qui annonçaient d’avance la venue du juste, que vous avez livré maintenant et dont vous avez été les meurtriers. Vous, qui avez reçu la Loi d’après des commandements
d’anges et qui ne l’avez point gardée !
» (
Ac 7:
51-53
).
De défenseur,
Étienne devient accusateur, d’accusateur juge, et de juge martyr, témoin par son sang.
10/02/1999
tj40420 : 23/08/2020