ANALYSE RÉFÉRENTIELLE
ET ARCHÉOLOGIQUE
Ennio Floris
Jésus le charpentier
Du fils naturel au fils de Dieu :
la famille de Jésus
Sommaire
Du fils naturel au fils de Dieu
Fils
d’une adultère
La famille de Jésus
-
Sous
tutelle
-
Servitude et travail
-
La rupture
Délire
ou extase ?
La solitude
de Jésus
Qui est
ma mère ?
La
Métanoïa
Le défi
et la crise
La bonne
nouvelle
. . . . . . . . - o
0
o - . . . . . . . .
Servitude et travail
Si la servitude était la condition de
Marie, nous sommes contraints de faire du contexte familial de
Jésus une narration moins idyllique que le tableau peint par
Luc
.
En tant que fils
d’une femme accueillie,
Jésus se trouvait aussi en état de servitude. On peut penser que son travail servait pour l’entretien de
sa mère et de
lui-même, mais aussi pour rembourser les frais que ses oncles avaient dû engager pour s’occuper de
la jeune mère et de
son enfant.
Sa situation était donc très semblable à celle de
Jacob dans la maison de
Laban, son beau-père (
Gn 29:
20-30
), mais avec une différence :
Jésus ne servait pas ses oncles pour obtenir une femme, mais pour payer leur protection. Il se peut que cette situation ne soit pas étrangère aux motivations qui ont poussé
Jésus à la rupture.
De plus,
Jésus devait subir toutes les conséquences propres à sa condition de bâtard. Dans la mesure où le fils naturel n’avait aucun droit sur la maison
(1)
, il est légitime de penser
qu’il était mis à l’écart de toute décision concernant la famille, et
qu’il n’était même pas responsable de l’existence de
sa mère. Cette situation est confirmée par le comportement des
frères quand ils vinrent pour
le saisir :
ils se fiaient à leur nombre pour réussir leur entreprise, mais en
avaient-ils le droit ?
Jésus n’était-il pas majeur ?
Ils n’auraient pas tenté ce coup de force
s’ils n’avaient pas cru être en droit de le faire.
La situation de
Jésus était encore plus précaire quant au mariage. Sans doute son célibat a-t-il trouvé des motivations profondes dans la crise spirituelle qui a précédé son ministère, mais ces motivations ne supprimaient pas son conditionnement par l’irrégularité de sa naissance.
Jésus aurait-il pu, bien que bâtard, se marier ? Sans doute. Mais, selon la tradition,
il n’aurait engendré que des enfants bâtards, puisque l’enfant suit la condition de la partie inférieure du mariage
(2)
.
Ces considérations suffisent pour nous permettre de pénétrer dans la vie intime de
Jésus. Même
s’il ne s’est pas révolté – sa soumission jusqu’à l’âge de trente ans le montre –
il a dû vivre dans une tension extrême, et surtout dans une profonde souffrance.
Il apparaît aussi
qu’il eut la force de résister et de vivre,
puisqu’il réussit à sublimer et intérioriser sa condition de servitude. Le problème de sa vie se situait moins à l’extérieur qu’au-dedans de lui-même :
aurait-il pu remettre en question son contexte familial et social sans s’interroger avant tout sur son existence, et parvenir à être précisément cet homme que sa naissance et sa condition sociale empêchaient d’exister ?
______________
(1) Réponse de
Rabbi Eliezer au sujet des droits du bâtard : «
Il n’a aucun droit sur la maison
» (
Joseph Bonsirven,
Textes rabbiniques
, 1194).
(2)
Ibid. 1581.
c 1976
tk122000 : 16/06/2020