Sommaire
Du fils naturel au fils de Dieu
Fils d’une adultère
La famille de Jésus
Délire ou extase ?
La solitude de Jésus
Qui est ma mère ?
- À Capharnaüm
- La source de Marc
- La question de Jésus
- La nouvelle famille
- La nouvelle réalité
- Le sens des mots
- La souffrance de Marie
La Métanoïa
Le défi et la crise
La bonne nouvelle
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En revenant du désert, après que Jean fut mis en prison, Jésus ne rentre pas chez lui à Nazareth. Il prend domicile à Capharnaüm, dans la maison de Simon, d’où il rayonne avec ses disciples dans toute la Galilée pour évangéliser.
C’est à l’occasion d’un de ces voyages qu’il se rendit dans sa ville natale. Ce comportement montre que sa rupture avec sa famille était définitive. Cependant sa mère et ses frères ne se résignèrent pas pour autant à cette séparation, puisqu’aussitôt renseignés sur sa demeure ils vinrent à Capharnaüm pour « le chercher ».
Suivons la narration de Marc. « Survinrent sa mère et ses frères qui, se tenant dehors, l’envoyèrent appeler. La foule était assise autour de lui et on lui dit : voici, ta mère et tes frères sont dehors et te demandent. Et il répondit : qui est ma mère et qui sont mes frères ? Puis, jetant les regards sur ceux qui étaient assis autour de lui, voici, dit-il, ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère » (Mc 3:31-35).
Attitude dure, intransigeante, qui apparaît à peine croyable ! Car, s’il est vrai que Jésus s’était définitivement séparé de sa famille, on aurait espéré de sa part quelques signes de bienveillance et de compréhension puisque les siens s’étaient rendus chez lui et ne montraient, à première vue, d’autre intention que de renouer les relations avec lui.
Matthieu précise qu’ils étaient venus pour « parler avec lui » (Mt 12:46). Dans une situation de rupture, se parler voulait signifier éclaircir la mésentente pour parvenir à la réconciliation. Plus sensible que Matthieu aux relations familiales, Luc affirme qu’ils voulaient « le voir » (Lc 8:20). Ce verbe pourrait indiquer leur souffrance de ne plus l’avoir avec eux, et aussi leur certitude que, pour s’unir à nouveau, il aurait suffi de se voir. Or, insensible à cet appel, Jésus n’a pas voulu les voir, et pourtant il y avait là sa mère !
Ne bougeant pas du lieu où il se trouvait et jetant des regards autour de lui comme pour s’y fixer, il lance une interrogation que Luc n’a pas osé inscrire dans son évangile, tant elle lui paraissait étrange et en contradiction avec ce milieu familial dans lequel il avait fait naître et grandir Jésus. Dès lors son récit est sans cohérence.
Jésus aurait profité de cette occasion pour proclamer un logion sur l’écoute de « la parole », sans se soucier que sa mère et ses frères l’attendaient, son attitude est tout à fait étrange !
En revanche le récit devient clair si on le relie à un passage, relaté seulement par Marc dans le même chapitre : « Les gens de chez lui, ayant appris ce qui se passait, vinrent pour se saisir de lui, car ils disaient : il est hors de sens » (Mc 3:21). Si on joint ces deux séquences, on constate qu’elles ne forment qu’un seul récit cohérent, où l’attitude de Jésus devient compréhensible. Qu’il s’agisse du même épisode ressort du fait que la mère et les frères de Jésus ne font qu’accomplir ce que, dans le premier texte, « les gens de chez lui » avaient l’intention de faire. D’ailleurs, on remarquera dans les deux séquences la présence de la même « maison » où Jésus se trouve et que les gens envahissent.
Les deux récits se complètent aussi par leurs verbes, car les gens de chez lui « arrivèrent » (apelton), tandis que la mère et les frères « viennent » (erkontai) dans le but d’atteindre Jésus. Le premier verbe désigne donc le voyage qui les amène de chez eux jusqu’à Capharnaüm (au parfait), tandis que le second (au présent) indique leur approche de la maison, une fois arrivés.
Il reste à expliquer la différence grammaticale du sujet du récit, qui la première fois est désigné par l’expression « oi para autou », tandis que dans la seconde il se précise dans la personne de la mère et des frères de Jésus. Mais la seconde expression non seulement ne contredit pas la première, mais la détermine et l’explicite. Il se peut que Marc, ayant séparé les deux morceaux du récit, en ait changé le sujet nominal pour détourner l’attention du lecteur. Il est possible aussi d’y entrevoir un indice que le coup monté contre Jésus provenait de ses frères, sa mère n’y participant que par contrainte et par instinct d’amour.
Quoi qu’il en soit, nous trouvons un contexte tout à fait adéquat à la portée novatrice et révolutionnaire des paroles de Jésus qu’il convient de cerner dans ses multiples aspects.
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