ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Jésus le charpentier





Du fils naturel au fils de Dieu :
Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ?


Sommaire

Du fils naturel au fils de Dieu
Fils d’une adultère
La famille de Jésus
Délire ou extase ?
La solitude de Jésus
Qui est ma mère ?
- À Capharnaüm
- La source de Marc
- La question de Jésus
- La nouvelle famille
- La nouvelle réalité
- Le sens des mots
- La souffrance de Marie

La Métanoïa

Le défi et la crise

La bonne nouvelle




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La question posée par Jésus


   C’est une question que Jésus se pose à lui-même en même temps qu’il l’adresse aux autres, en s’obligeant à parcourir à rebours le chemin de sa propre existence. Elle change aussi de forme et d’accent : ai-je une mère et des frères ? Ma mère est-elle ma mère ?
   Jamais, peut-être, Jésus ne s’était interrogé sur sa propre origine au point de mettre en doute sa mère, même pas lorsque, quelques temps avant, il l’avait quittée pour s’enfuir dans le désert, puisqu’à ce moment-là il n’avait été pris que par le désir du père. Il prend conscience que son existence n’a été qu’une relation à sa mère : elle l’avait engendré, certes, mais surtout elle l’avait sauvé de la mort certaine que devait lui valoir sa condition de naissance. Étant donc mère à ce double titre, elle lui était attachée au point de se substituer au père. Ainsi Jésus, quoiqu’adulte, restait-il dans la condition morale propre aux enfants pas encore sevrés.

   Mais cette femme était-elle vraiment sa mère ? Tout empli d’elle qu’il était, il restait quand même un enfant non reconnu, comme s’il n’était pas né, pas engendré, d’une mère. Dans la mesure où il n’était pas vraiment un fils, sa mère non plus ne pouvait se dire sa véritable mère : sa mère véritable – celle qui aurait dû lui donner une existence d’homme – n’avait pas existé. Alors à quoi le courage, le sacrifice et l’héroïsme de Marie avaient-ils abouti, sinon à le tenir en marge de l’existence propre à l’homme ? Et quant à Marie, ne devenait-elle pas l’ombre de sa véritable mère ?

   L’interrogation place Jésus dans l’opposition de l’être et du non-être, à la limite de la folie. D’un côté sa mère – la mère existante, Marie – l’attend dehors, l’appelant au réel, à la vie normale et concrète avec elle au milieu de ses frères ; de l’autre le fantasme de la véritable mère, celle qui n’a jamais existé, lui apparaît, évoqué par le désir. S’il cède à l’appel de Marie, il reste à jamais prisonnier d’une condition de servitude et il n’aura d’autre horizon que son atelier, d’autre but que de nourrir sa mère et de payer à ses frères leur protection. La vie que sa mère et ses frères lui offrent n’est que son insertion dans un système de valeurs où il n’a pas de place : il existerait, mais sans être vraiment un homme.
   Mais il ne peut pas non plus répondre aux attraits de la mère qui lui apparaît du non-être de lui-même et qui l’invite à s’abandonner et à vivre dans sa hantise. Cauchemar délirant, qui l’aurait enfermé dans un monde clos d’images et d’instincts refoulés !

   Mais Jésus rejette les deux mères, sans que son comportement extérieur trahisse la moindre émotion. Sans bouger d’un pouce du lieu où il est assis, il répond à l’appel des siens par une fin de non-recevoir aussi nette que l’appel était équivoque et sournois.




c 1976




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tk153000 : 20/06/2020