ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Jésus le charpentier





La métanoia, ou révolution culturelle :
la haine du père et de la mère


Sommaire

Du fils naturel au fils de Dieu

La Métanoïa
L’épée de la division
La haine du père
- Le logion
- Le scandale
- Matthieu et Luc
La mort du père
La main à la charrue

Le défi et la crise

La bonne nouvelle




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Le scandale



Mt 10:37

Celui qui aime son père et sa mère plus que moi n’est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi.


Lc 14:26

Si quelqu’un vient à moi et s’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple.



   Ces paroles durent susciter un véritable scandale. Quoiqu’elles invitassent à la réflexion, elles ne pouvaient pas ne pas apparaître comme en contradiction avec le commandement de Dieu qui obligeait tout homme à honorer le père et la mère (Ex 20:12).

   Les raisons de cette remise en question devaient cependant demeurer obscures. Elles apparaissaient plus énigmatiques encore lorsqu’on se souvenait que Jésus avait étendu aux ennemis l’amour du prochain (Mt 5:44). Comment pouvait-on haïr son père et sa mère, ses frères et ses sœurs alors qu’on était obligé d’aimer même ses ennemis ?
   Les exégètes ont sans doute raison lorsqu’ils cherchent à comprendre l’opposition haine – amour dans le cadre de la sémantique des langues sémiti­ques. Ils se trompent cependant lorsque, à partir de là, ils visent à affaiblir le sens et la portée révolu­tionnaire de l’affirmation de Jésus. Rapportons-nous au passage biblique auquel on a coutume de se référer dans l’interprétation de ce logion : « Cepen­dant j’ai aimé Jacob, et j’ai eu de la haine pour Ésaü » (Ml 1:2-3).
   L’amour doit ici être compris dans le cadre de cette « alliance » par laquelle Dieu se lie avec Abraham et sa descendance. Il s’agit d’une relation personnelle, libre, gratuite, et tout à fait privilégiée, que les prophètes ont assimilée à celle du mariage. Par opposition, la haine désignera donc un com­portement qui demeure à la limite de cet amour : on disait que le mari avait pris en haine sa femme lorsqu’il ne l’aimait plus comme épouse, même s’il lui devait toujours ce respect et cet amour qui lui étaient dus en tant que « prochain ». Ainsi le prophète a-t-il pu affirmer que Dieu aimait Jacob et avait pris en haine Ésaü, au sens où celui-ci avait été privé des droits d’aînesse et donc mis en-dehors de cette relation d’amour privilégié qui unissait Dieu au peuple. Bien qu’Ésaü fût destiné à devenir un peuple, il ne pouvait pas être objet de cette protection privilégiée que Dieu avait promis à Jacob.

   L’amour des ennemis entraînait une rupture dans le schéma génétique qui régissait les relations entre les hommes. Expression poétique dans un récit en prose, car l’ennemi était seulement celui qui ne pouvait pas se relier aux autres par une relation de fraternité. Il y avait des ennemis parce qu’il y avait plusieurs pères et plusieurs générations or, si les ennemis disparaissaient, il n’y avait plus non plus de pères ni de génération, tous les hommes recon­naissant être des frères par leur relation avec Dieu.
   La fraternité entre les hommes impliquait donc la mort du père par la dissolution du modèle génétique de valeur. Haïr le père et la mère, les frères et les sœurs, ne voulait pas dire porter de la haine a leur personne, mais rompre le lien qui nous unissait à eux de façon privilégiée et nous mettait en situation d’ennemis envers les autres. Haïr voulait dire « se séparer », comme dans le divorce.




c 1976




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tk222000 : 22/06/2020