ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Jésus le charpentier





La métanoia, ou révolution culturelle :
la mort du père


Sommaire

Du fils naturel au fils de Dieu

La Métanoïa
L’épée de la division
La haine du père
La mort du père
- Le logion
- Filiation ou adoption ?
- Axiome révolutionnaire
La main à la charrue

Le défi et la crise

La bonne nouvelle




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Le logion



Mt 8:21-22



Un autre d’entre ses disciples lui dit : Seigneur, permets-moi d’aller d’abord ensevelir mon père.

Mais Jésus lui répondit : suis-moi et laisse les morts ensevelir leurs morts.


Lc 9:59-60

Il dit à un autre : suis-moi.

Et il répondit : Seigneur, permets-moi d’aller d’abord ensevelir mon père.


Mais Jésus lui dit : laisse les morts ensevelir leurs morts,

et toi va annoncer le Royaume de Dieu.



   Il n’y a pas de différence substantielle entre les deux rédactions. On remarquera seulement le souci de Luc d’inscrire le logion dans le contexte de l’annonce du Royaume de Dieu.

   Cherchons à en cerner le sens. Le disciple demande à Jésus que lui soit permis d’aller ensevelir son père. Signe de la piété filiale, l’enterrement du père était aussi la cérémonie solennelle et religieuse du changement de temps dans le processus de génération : au moment où le père était déposé dans le tombeau (il allait avec ses pères), le fils faisait son entrée dans l’histoire, revêtu de la personnalité du père. Il en portait le nom, mais aussi l’autorité, l’héritage et la bénédiction de Dieu. Le tombeau du père devenait le monument – le signe – de la transmission et de la continuité historique du peuple. Dans ce contexte, le refus de Jésus a dû apparaître aberrant, presque blasphématoire et impie.

   Si on se rapporte aux paroles par lesquelles il motiva ce refus, elles apparaissent plus sacrilèges encore. Que veut dire cet aphorisme ? Qui sont ces morts qui ensevelissent leurs morts ? Certes pas les défunts puisque, étant vraiment morts, ils ne peuvent plus rien faire, mais les vivants, tous ceux qui ont le souci et le devoir d’ensevelir les morts : ceux-ci sont des morts ! Paroles offensantes et méprisantes à l’égard de toute la société, dont l’ensevelissement des morts est un des premiers fondements. Avec ce mépris des hommes, il semble aussi que Jésus ôte aux morts leur caractère sacré, ainsi que l’honneur que de tout temps ils ont reçu des vivants.
   Quant au disciple, il apparaît comme un personnage étrange et terrible à la fois, qui regarde en avant. Se détournant du passé sans piété ni souci de vivre selon la tradition des pères, il dédaigne les morts. Comment alors peut-il se relier à Dieu, le père d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le père de ceux qui sont morts ?

   Une précision nous aide à comprendre le sens caché de l’aphorisme, l’expression « leurs morts ». Pourquoi les morts seraient-ils leurs morts, c’est-à-dire de ceux qui ensevelissent et non de tous ? Croyant à la résurrection, Jésus est profondément convaincu que les défunts sont des vivants, qui ne sont morts que pour ceux qui les croient tels. Ainsi Jésus n’a-t-il pas d’intentions impies, il veut seulement obliger ses disciples à vivre d’une façon cohérente avec leur foi, car s’ils croient que les morts sont des vivants ils ne peuvent pas assister à la cérémonie de l’ensevelissement qui les pré­suppose comme étant morts. Qu’ils soient ensevelis par ceux pour lesquels ils sont des morts !




c 1976




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tk231000 : 22/06/2020