ANALYSE RÉFÉRENTIELLE
ET ARCHÉOLOGIQUE
Ennio Floris
Jésus le charpentier
La
métanoia
, ou révolution culturelle :
la mort du père
Sommaire
Du fils naturel
au fils de Dieu
La
Métanoïa
L’épée
de la division
La haine
du père
La mort du père
-
Le
logion
-
Filiation
ou adoption ?
-
Axiome révolutionnaire
La main
à la charrue
Le défi
et la crise
La bonne
nouvelle
. . . . . . . . - o
0
o - . . . . . . . .
Un axiome révolutionnaire
Mt 8:
21-22
Un autre d’entre
ses disciples
lui dit :
Seigneur, permets-moi d’aller d’abord ensevelir mon père.
Mais
Jésus
lui répondit : suis-moi et laisse les morts ensevelir leurs morts.
Lc 9:
59-60
Il dit à un autre : suis-moi.
Et
il répondit :
Seigneur, permets-moi d’aller d’abord ensevelir mon père.
Mais
Jésus
lui dit : laisse les morts ensevelir leurs morts,
et toi va annoncer le
Royaume de
Dieu.
Cette visée théologique
(1)
n’est cependant pas suffisante pour expliquer le caractère révolutionnaire de l’axiome. En effet,
Jésus aurait pu vivre cette conviction à la façon d’une expérience de mystère, comme on le faisait dans les sectes orphiques et pythagoriciennes, et même dans les communautés esséniennes.
Jésus, au contraire, veut fonder cette doctrine non pas sur une expérience, mais sur une
praxis
d’existence.
Il ne veut pas seulement réunir autour de lui
des disciples pour les initier à la doctrine, mais
il veut que cette doctrine devienne ferment des masses (
Mt 13:
33
), feux qui s’allument dans le monde (
Lc 12:
49
).
Cela montre
qu’il reste aussi soucieux des aspects proprement théologiques et religieux de la paternité divine que de ses implications pratiques et sociales.
Il sait que la doctrine opposée conditionne les hommes à vivre dans des complexes,
qu’il considère comme des situations de mort : ce sont le conditionnement de la vie des hommes par les lois de la légitimité, les traditions, les tabous propres à la race, mais aussi le cloisonnement de l’existence humaine déterminée par les limites généalogiques.
Il veut surtout libérer les hommes du complexe de la mort, qui modifie toutes leurs relations envers eux-mêmes et le monde. Les hommes vivent comme étant des morts ! Ils demeurent esclaves de la maladie aussi bien que des
démons, des situations de naissance comme des événements de la nature. Ils vivent comme si
Dieu ne leur offrait pas comme perspective la vie mais la mort.
Jésus veut libérer l’homme en lui donnant une nouvelle conscience, celle propre à l’homme « vivant ». C’est l’homme qui marche au-devant de lui-même, détournant son regard du passé. Il ne se définit que par ce qui lui est offert du moment qu’il est en marche. Il n’est pas motivé par les faits, mais par l’événement. Pour lui il n’y a pas de morts, puisque les défunts ne se trouvent pas derrière lui mais devant, dans sa perspective de vie. Les hommes existant dans la mesure où ils se « lèvent » à la rencontre de
leur père, le
Dieu des vivants. Et en se « levant », en « ressuscitant », ils brisent les chaînes qui les attachaient à la mort : les tabous du pur et de l’impur, les traditions, les conditions de légitimité, la malédiction. Les hommes sont fils du
Royaume, nés pour la vie.
Sa perspective est le printemps, comme pour la semence qu’on jette dans les sillons, les figuiers verdoyants, les fleurs qui éclosent dans les champs.
On peut bien comprendre que, lorsqu’on est poussé par cet esprit, on doit laisser les morts, ceux dont l’existence est pour la mort, ensevelir les morts. En revanche le vivant, lui, ne doit s’occuper que des vivants.
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(1)
Voir
.
c 1976
tk233000 : 23/06/2020