Sommaire
Introduction
Situation actuelle de l’herméneutique biblique
- Spinoza
- Schleimacher
- Strauss et Feuerbach
- Barth
- Bultmann
- Bonhœffer
- Ricœur et Ebeling
- L’herméneutique générale
Herméneutique et critique du langage
Structure anadygmatique du discours
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Barth : la critique de la religion
Non moins importante est l’influence de Feuerbach chez les théologiens eux-mêmes au sujet de l’herméneutique. Au commencement, chez Barth, il a agi comme un fantôme, mais surement. Par la suite, chez les derniers grands herméneutes, tels que Ricœur et Ebeling, sa critique a été prise en considération, même s’ils n’osent pas s’y référer directement. Je suis convaincu que, de même que Feuerbach est le commencement de la critique matérialiste, de même il est aussi (peut-être malgré lui) l’initiateur de la nouvelle phase de l’herméneutique en tant qu’interprétation critique.
La critique que Barth a faite contre la religion est un aveu implicite de la vérité de la critique propre à Feuerbach, mais Barth soustrait la foi chrétienne à ces attaques car, selon lui, elle n’est pas une religion. Feuerbach aurait pu lui répondre que son discours était renversé.
Barth ne refuse pas une approche herméneutique des textes bibliques qui soit en même temps critique. Pour lui, l’herméneutique biblique et toute herméneutique générale a pour principe de subordonner la compréhension à son objet, à la « chose ». Quelle est cette « chose » ? La réalité signifiée par l’énoncé.
Or, puisque l’objet des Écritures est la révélation de Dieu lui-même – de Dieu tout autre – en soumettant la compréhension du texte à cet objet on doit en même temps lui soumettre le sujet lui-même. C’est donc la révélation de Dieu qui est interprète. La critique historique, utile pour conduire le texte à ce niveau herméneutique, s’arrête ici, pour se laisser assumer elle aussi par la révélation de Dieu. On pourrait analyser l’objet des Écritures avec des critères scientifiques et rationnels, si cet objet restait objet. Il surgit au contraire comme sujet, au moment même où on cherche à s’approcher de lui comme d’un objet !
Et voici donc le miracle. Ces images, ces mots, ce texte que l’herméneutique générale pourrait lier à la sémantique commune sont comme assumés, pour devenir à la similitude de l’humanité de Christ, prises en charge par le sujet divin, retranchées du processus de signification humaine pour devenir témoins de la parole de Dieu. Cette prestidigitation est sans doute sublime et géniale, mais elle ne réussit pas à changer la véritable nature du discours, qui n’est pas une humanité assumée. D’ailleurs comment Barth peut-il soustraire l’objet des Écritures à la poursuite d’une analyse sémantique ? Seulement parce que cet objet est cru d’avance : parole de Dieu, au préalable, donc d’une façon dogmatique et non critique.
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