ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Le christianisme entre la préhistoire et l’histoire





Jésus de Nazareth


Sommaire

Introduction

La religion, idéologie constituante

Dialectique de la religion

La crise de la civilisation romaine

Jésus-Christ

Périodisation historique

Attitude des Églises

Christianisme et marxisme

Une solution à la crise

Jésus de Nazareth



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   La dissolution du Christ, en rendant le projet de liberté disponible pour les hommes, libère aussi « Jésus » de son conditionnement idéologique et métaphysique. Étrange sort que celui de Jésus dans le processus de formation du Nouveau Testament (1) ! Pendant la période apostolique, il n’y eut à l’égard du Christ qu’une fonction de référence, puisque celui-ci avait été formé par une projection mythique fondée sur l’a priori des Écritures. Il lui donna son nom, mais il dut disparaître quant à sa personne historique.
   Plus tard, lorsque l’Église fut obligée par des circonstances particulières à porter son attention sur lui, il ne lui fut pas permis pour autant de manifester son visage d’homme, qui demeura caché sous le masque théologique du Christ. Celui que nous voyons sur la scène des évangiles n’est pas Jésus de Nazareth mais le Christ, auquel le premier prête son nom et le contexte géographique et social de son histoire. Il est plutôt un pré-texte que l’objet véritable du texte.

   C’est ainsi que, depuis deux millénaires, on reste dans l’impossibilité de le connaître. L’histoire de l’exégèse nous en offre un exemple tragique. Malgré la complexité et la subtilité de sa recherche, en dépit d’une érudition de plus en plus riche et circonstanciée, elle marque toujours le pas devant le problème du Jésus historique. Il lui est plus facile de le renier que de le saisir, et ce qu’elle parvient à en dire échappe difficilement au conditionnement du Christ. Ce n’est pas que la méthode « critique historique » soit fausse en elle-même, mais qu’elle n’est pas adéquate à l’objet, qui se trouve en réalité en-deçà de son champ d’analyse.

   Si nous regardons l’acte de projection mythique du Christ, nous constaterons que celui-ci se rapporte à Jésus autant qu’il se détache de lui et l’aliène, puisqu’il en est la sublimation symbolique. Dès lors on peut dire que Jésus n’est pas tout à fait absent du texte, mais qu’il y demeure en situation de refoulement, lié par la seule relation de référence, sans qu’il lui soit permis de se porter au niveau de l’instance du dire.
   Or la critique historique, qui ne s’occupe que du sens évident, « signifié », du discours, est impuissante à pénétrer dans cette zone. Il faut une critique dialectique qui puisse violer le verbe et en saisir le sens détourné, renverser les symboles, s’appuyer sur les silences du texte, ses oublis et ses lapsus, pour pénétrer au niveau de son infrastructure imaginable.

   Ayant essayé une telle méthode d’approche (2) j’ai constaté, non sans étonnement, qu’au fur et à mesure que l’analyse avançait, une silhouette se dessinait, à la façon d’une sinopie derrière la figuration picturale d’une fresque. L’image du Jésus refoulé surgissait d’un contexte d’informations que l’écrivain avait altérées ou cachées parce qu’elles étaient gênantes. Mais combien les traits de Jésus étaient différents de ceux du Christ ! Tandis que celui-ci était l’aîné légitime d’une descendance royale, Jésus n’était qu’un bâtard. Ce n’était pas le Christ, fils de Dieu et Dieu lui-même, mais seulement un homme, certes différent des autres par une vision d’homme dans laquelle il s’engagea jusqu’à la mort.
   Refusant sa condition de fils illégitime, il quitta sa famille pour vivre en communauté avec des hommes semblables à lui, des pauvres, des déshérités, des hommes refoulés en marge de la société. Il les sentit profondément comme des frères, ce sentiment l’amenant à bouleverser toutes les assises de l’ordre établi, rejetant la tradition, s’opposant aux pouvoirs, violant les interdits sacrés, afin de fonder sur l’amour de nouvelles relations entre les hommes, transgressant le code éthique des valeurs fondé sur le modèle génétique. Poursuivi, capturé, il fut condamné à mourir comme un esclave, peut-être même n’eut-il pas droit à un tombeau.

   Malgré ces différences, on ne saurait nier que le Christ a pris sur sa personne de fils de Dieu, par sa mort et sa résurrection, les souffrances et la visée du prophète de Galilée, et c’est lui qui nous permet de le découvrir dans le silence des textes, alors qu’il se referme dans le silence de son symbole.


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(1) Voir l’étude détaillée ultérieure (1980) sur l’écriture des évangiles.   Retour au texte

(2) Voir les diverses études.   Retour au texte



c 1975




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