Le christianisme entre la préhistoire et l’histoire

   Cette interrogation m’oblige à rechercher un schéma représentatif qui permette de comprendre le christianisme dans l’ensemble de ces faits histori­ques. Or, historiquement, il s’offre à l’attention comme phénomène religieux de culture. M’inspirant de la philosophie de G.-B. Vico et me situant aussi pour une part dans le sillage du marxisme, je donne du phénomène religieux une définition qui tente d’en expliquer la double fonction de développement historique et de conditionnement idéologique.
   La religion est la représentation mythique d’une image d’homme qu’un peuple se donne à partir d’une crise de civilisation touchant à la fois les modes de production et le système des valeurs. Le caractère mythique de la représentation implique le processus fantastique d’une projection, où la conscience collective de soi se sublime dans des personnages existants et agissants dans l’espace et le temps cosmologiques. Alors que le personnage représente les hommes eux-mêmes, son exploit vise à traduire dans l’espace et le temps totalisants l’action que ceux-ci entendent poursuivre effectivement dans le temps historique pour l’accomplissement de leur image. Le « tout accompli » du mythe n’est que la projection de l’accomplir historique. Le mythe possède ainsi, au dire de Vico, un « sens historique », non seulement parce qu’il se rapporte à des faits, mais surtout parce qu’il recouvre de son sens la marche des hommes dans leur propre histoire.
   Bien que cette définition ne veuille être qu’une hypothèse de travail, il convient de l’approfondir et d’en préciser la valeur méthodologique, en tenant surtout compte de objections qui pourraient lui être faites par les chrétiens et les marxistes.